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Le réalisateur Satoshi Kon est décédé le 24 août 2010 alors qu’il travaillait sur son cinquième film d’animation, The Dream Machine. L’équipe travaillant sur ce projet désirait le mener à terme mais il semble que la production soit définitivement stoppée depuis fin 2011. En tous cas, plus aucune nouvelle depuis. Pour glaner des images inédites de ce film inachevé, il faudra revoir Paprika et faire attention à certains détails.

Cependant, il est possible de revoir ce génie à l’œuvre grâce aux éditions IMHO qui ont eu la belle initiative de publier son manga inachevé Opus. Et oui, avant de passer maître dans la mise en scène de l’enchevêtrement du rêve et et de la réalité, Satoshi Kon a œuvré dans le manga. Formé par nul autre que Katsuhiro Otomo (Akira), il signa World Apartment Horror (dont Otomo tira un film live), Kaikisen et Seraphim (paru le 22 août 2013, on y reviendra lors d’un prochain billet).Et donc Opus, manga daté de 1995 et paru sous forme épisodique dans une revue spécialisée et dont la fin de publication signa d’office l’arrêt de l’œuvre de Satoshi Kon. IMHO a publié le premier volume le 06 juin dernier et un second et dernier le sera en octobre.
Une heureuse parution dont la lecture s’impose, que l’on soit fondu du travail du mangaka/réalisateur ou simplement curieux et avide de bonnes histoires. Un récit qui deux ans avant Perfect Blue annonce les thématiques et autres motifs qu’il développera par la suite dans ses autres films (Millenium Actress, Tokyo Godfather, Paprika) et série (Paranoïa Agent).
La série Resonance conte l’histoire de la policière Satoko, aidé par le jeune Rin doué de pouvoirs psychiques, aux prises avec le gourou d’une secte, Le Masque, individu malfaisant qui voudrait étendre son emprise au reste de la population. Une série dessinée à succès mais que son auteur, le mangaka Chikara Nagai aimerait terminer, lui donner un terme afin de passer à d’autres projets. Il a ainsi l’intention d’achever son récit en mettant en page l’affrontement de Rin et Le Masque qui les tuera tous deux.
Seulement, cette conclusion va être différée par l’intervention de Rin qui, prenant conscience de son funeste destin, vole la planche fatale. A la place, Chikara ne voit plus qu’un trou et un conduit par lequel s’échappe son personnage. Le dessinateur est alors aspiré dans le monde qu’il a créé et va devoir s’adapter rapidement pour retrouver Rin.

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Un concept de méta-fiction particulièrement excitant que Satoshi Kon va explorer et développer de très belle manière. En effet, Chikara va être supporté dans son périple par Satoko elle-même qui elle n’a pas encore deviné sa véritable nature d’être fictif et qui s’interroge sur cet étrange homme débarqué de nulle part. Pris dans l’intrigue qu’il a lui-même créé, le mangaka va devoir redoubler de prudence pour échapper au Masque et ses fidèles (tout ce qui se passe dans cette « réalité » ayant de véritables conséquences physiques) et faire preuve de tact envers Satoko, surtout lorsqu’elle celle-ci se rendra compte que Chikara est finalement son créateur.
Opus est ainsi plus qu’une subtile et sublime mise en abyme, c’est un récit absolument captivant nourrit d’idées géniales (le fond du décor bâclé par Nagai) et d’une réalisation grandiose (l’arrivée en fin de page). Oui, on peut parler de mise en scène tant le découpage se rapproche de ce que le cinéaste proposera plus tard. Et alors que dans ses films Satoshi Kon s’ingéniait à flouter les temporalités et à briser les frontières ténues entre rêve, fantasme et réalité, avec Opus il  en livre le pendant dessiné en outrepassant allègrement les limites des cases. Faisant ainsi des épisodes antérieurs de Resonance autant de souvenirs qu’il est possible de revisiter.
Un rythme trépidant, des questionnements émouvants sur la condition de créatures créées à coups de crayons, un personnage de femme faisant le pont entre deux strates de réalités (car le manga acquiert une consistance tangible) s’interpénétrant, des dessins incroyables d’expressivité et de précision, un style visuel affirmé et cinégénique, autant d’arguments qui font d’Opus une lecture indispensable. Pour ne pas oublier à quel point Satoshi Kon était talentueux et surtout pour être transporté.

Nicolas Zugasti

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