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Qu’il ait tourné des films sous son vrai nom ou sous le pseudo de Frédéric Lansac, Claude Mulot (1942-1986) n’a creusé aucun sillon profond dans le cinéma français. Raison de plus pour remercier Le Chat qui fume de vouloir sortir de l’ombre le cinéaste en ayant déjà édité deux de ses films aux vertus auteuristes évidentes (La rose écorchée et La saignée), et d’autres, plus érotiques encore : Les charnelles et Black Venus. Ce dernier titre se retrouve en supplément des Charnelles mais aussi de ce Couteau sous la gorge que le félin clopeur vient de sortir en Blu-ray. Citons enfin l’opulent bouquin de Philippe Chouvel, Claude Mulot, cinéaste écorché, le premier sur le cinéaste, et ses 260 pages d’informations essentielles que Le Chat a ronronnées dans sa collection Nitrate.

Tourné en 1986, Le couteau sous la gorge est le dernier film de Mulot, mort noyé au large de Saint-Tropez. Cette même année, Johnny lui dédiera son album Gang. Le chanteur était apparu en 1981 dans un film de Mulot, Le jour se lève et les conneries commencent, et Mulot avait également réalisé le clip Le survivant pour le concert du Palais des Sports, en 1982. Quant à Saint-Trop’, Mulot en était un habitué, lui qui avait écrit pour Gérard Kikoine Dans la chaleur de Saint-Tropez (1982) et pour Max Pécas On se calme et on boit frais à Saint-Tropez (1987).

Chronologiquement, dans le cinéma de genre, Le couteau se situe entre la mode du giallo italien qui eut son heure de gloire dans les années soixante-dix et celle du slasher américain, qui envahit les écrans la décennie suivante. Dans les deux cas, un tueur masqué massacre à l’arme blanche de jolies filles. A une différence près, c’est que le slasher est beaucoup plus puritain : les victimes sont souvent des adolescentes, en premier celles qui parlent le plus de sexe et qui le pratiquent avec leurs petits copains. Les plus prudes, c’est une des règles du slasher, sauront mieux se défendre.

Le tueur du giallo fait en principe moins de tri parmi ses proies. Et que trouve-t-on dans Le couteau sous la gorge ? De jolies filles qui font des photos déshabillées dans des décors atypiques (cimetière, casse de voitures, etc.), un photographe antipathique, un commissaire qui prend son temps et un tueur inconnu qui trucide allègrement. Ajoutez à cela une ambiance hyper glauque et du suspense et nous voilà en présence de tous les éléments du giallo.

Devant la caméra, Claude Mulot engage Florence Guérin, Brigitte Lahaie et Natasha Delange pour son trio de modèles. Jean-Pierre Maurin, un des frères de Patrick Dewaere, est odieux à souhait en photographe dérangé et Francis Lemonnier, un habitué des films de Mulot, incarne ce flic pas très rapide mais néanmoins efficace. Alexandre Sterling, qui fut le copain de Sophie Marceau dans La Boum, apporte de la fraîcheur dans ce milieu vicié.

On n’est certes pas au niveau de Je suis vivant d’Aldo Lado, Opéra de Dario Argento, Perversion Story de Lucio Fulci, Le couteau de glace d’Umberto Lenzi ou A la recherche du plaisir de Silvio Amadio, que Le Chat qui fume a déjà édités et qui sont des exemples de gialli à redécouvrir de toute urgence. Avec eux, voilà bien des miaous qui ne finissent pas en ronds de fumée. Avec Le couteau sous la gorge, nous sommes là dans une catégorie aux moyens sans doute beaucoup plus limités mais dont l’équipe, et c’est toujours cela qui rend ces films si sympathiques, croit en ce qu’elle fait. Il faut en convenir, Mulot réussit son pari. Il signe un film qui se tient, captivant malgré ses défauts, malgré quelques longueurs (les courses interminables de Florence Guérin poursuivie qui, certes, est à poil mais qui, néanmoins, durent, durent) et quelques troisièmes rôles approximatifs. On reste attaché aux personnages et, essentiellement, à celui qu’incarne Florence Guérin. Elle est l’attrait du film, belle, fragile et douce. Méconnue chez nous (c’est à peine si on se souvient du Déclic), son interview, dans les bonus, est là pour prouver qu’elle a fait une carrière importante, en Italie, à partir du célèbre La bonne. Voir Florence sans mourir va d’ailleurs être l’un des paris du film.

Quant au message final du Couteau sous la gorge, il est somme toute assez subversif puisque obsédés et pères la pudeur sont montrés du doigt et se révèlent nocifs.

Jean-Charles Lemeunier

Le couteau sous la gorge

Année : 1986

Origine : France

Réal. et scén. : Claude Mulot

Photo : Bruno Affret

Musique : Alain Guélis

Montage : Michel Valio

Durée : 77 min

Avec Florence Guérin, Brigitte Lahaie, Natasha Delange, Alexandre Sterling, Jean-Pierre Maurin, Pierre Londiche, Emmanuel Karsen, Francis Lemonnier…

Sortie en Blu-ray par Le Chat qui fume le 2 décembre 2020.

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