On ne s’étonnera pas si Éclairage intime d’Ivan Passer — disparu en janvier 2020 —, datant de 1965 et ressorti dans un beau DVD collector par Malavida, est l’un des films fondateurs de ce que l’on a appelé la Nouvelle Vague tchèque. Voulant se dégager de scénarios trop corsetés et trop idéologiques, Passer ouvre son récit en affirmant haut et fort son statut d’auteur.
Dans un beau noir et blanc signé Josef Strecha et Miroslav Ondricek, qui fera par la suite une belle carrière aux États-Unis, photographiant là-bas les films de son compatriote Milos Forman, Éclairage intime commence donc sur une répétition d’orchestre et sur un chef qui affirme « Jouez comme je le sens ». Cette indication pourrait tout aussi bien être dite par un cinéaste qui se revendique auteur, ce qu’était assurément Passer.
La suite est la chronique intimiste et campagnarde de retrouvailles : celle d’un violoniste resté au village (Karel Blazek) et d’un violoncelliste devenu soliste reconnu (Zdenek Bezusek). Passer suit le quotidien de ses personnages ordinaires avec beaucoup de tendresse et d’humour, des qualités que l’on retrouve dans les films de la même époque de Milos Forman et Jiri Menzel et aussi dans Un fade après-midi (1964), court-métrage de Passer adapté d’une histoire de Bohumil Hrabal et présenté en bonus.
Éclairage intime est aussi une vision poético-burlesque de gens simples partagés entre l’amour de la musique — il y a là, dans un quatuor quasi improvisé, à côté des deux amis, le grand-père et un pharmacien — et les choses de la vie : un enterrement, les poules sur une voiture, un repas pas très copieux et de l’alcool qui coule plus sûrement, etc.
L’humour est apporté par une série de petits gestes « naturels » : le grand-père qui pelote les fesses de la fille pour l’aider à monter sur le vélo, les gens de l’enterrement qui vont tous pisser contre un mur, le fou rire de la lumineuse Vera Kresadlova — qui était à l’époque l’épouse de Milos Forman —, ou les problèmes d’articulation des uns et des autres. Citons encore les belles trouvailles que sont la déclaration d’amour par klaxon interposé ou ce très joli plan nocturne éclairé par des phares de voiture. Et ce constat évident que l’art peut être partagé par des gens simples, sans être élitiste.
La grande force du film, et Passer le confirme dans le bonus, est que tous ses acteurs étaient des non-professionnels et que rien de ce qu’ils disent ou font ne semble apprêté, joué. Le cinéaste s’amuse aussi à raconter la réaction du directeur du studio qui trouva le film « ennuyeux » parce qu’il ne racontait rien. Comme si raconter la vie n’était pas déjà beaucoup.
Jean-Charles Lemeunier
Éclairage intime
Année : 1965
Titre original : Intimní osvětlení
Origine : Tchécoslovaquie
Réal. : Ivan Passer
Scén. : Ivan Passer, Jaroslav Papousek, Vaclav Sasek
Photo : Josef Strecha, Miroslav Ondricek
Musique : Oldrich Korte, Joseph Hart
Montage : Jirina Lukesova
Durée : 73 min
Avec Karel Blazek, Zdenek Bezusek, Vera Kresadlova…
Sorti en DVD collector (+ livret) par Malavida le 26 août 2020.