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Au début des années 80, dans la foulée du succès du mètre-étalon en la matière, l’insurpassable Halloween (1978) de John Carpenter, la mode du slasher est lancée par le pourtant très moyen Vendredi 13 (1980). Inspiré d’un autre monument du genre, La Baie sanglante (1971) de Mario Bava, le film de Sean S. Cunningham doit essentiellement sa renommée et son succès à son ambiance glauque, aux corps très légèrement vêtus de jeunes adolescents inconscients et surtout aux maquillages de l’exceptionnel Tom Savini. Remportant un succès conséquent, qui se perpétuera jusqu’aux années 2000 dans une série interminable d’œuvres parfois ridicules, Vendredi 13 enclencha tout un tas d’œuvres jumelles, souvent pour le pire et assez rarement le meilleur. Dans cette catégorie, celle de la copie supérieure à son modèle, figure sans aucun problème Carnage (The Burning), produit en 1981, qui ressort ce mercredi 1er novembre dans une copie parfaite rendant justice à ce slasher trop souvent mésestimé.carnage_1

Au cours d’une colonie de vacances, quelques adolescents décident de se venger de Cropsy, leur moniteur particulièrement sadique. Mais la farce tourne mal et l’adulte est sévèrement brûlé. Cinq ans plus tard, sa soif de vengeance reste intacte. Il retourne alors sur les lieux du drame où séjournent de nouveaux adolescents afin d’y entamer un massacre particulièrement sanglant…

En plus d’être considérée par de nombreux fans comme l’une des meilleures réalisations du genre, Carnage possède la particularité d’être la première production de la célèbre Miramax. Scénarisé entre autres par Harvey Weinstein, ce long-métrage voit, à sa tête, le britannique Tony Maylam qui, après avoir tourné quelques documentaires, met en scène son premier film d’horreur. Mais, désireux de s’extraire de ce type d’œuvre, il délivre au final un long-métrage possédant tous les atouts et les codes du genre afin de mieux les détourner.

carnage_2Traditionnellement, un slasher présente, à partir d’un scénario famélique, un tueur non identifié (ou dont l’identité n’est révélée que très tardivement), filmé lors de ses traques et ses meurtres en caméra subjective, qui extermine ses victimes, souvent jeunes et innocentes, avec une arme blanche, en général un couteau tranchant et parfaitement aiguisé. Dans Carnage, si le spectateur, fan de ce genre de films, retrouve inévitablement ces ingrédients, il n’en ressent pas moins l’étonnante sensation de participer à un Cluedo inversé. Ainsi, au lieu de déterminer « où, qui et comment », il connaît le meurtrier – ici un surveillant de camp de vacances sadique et violent – dès la scène d’introduction. Une séquence particulièrement efficace et effrayante qui place originellement le futur criminel dans une position de victime et qui narre limpidement ses « motivations ». Les phrases, extraites de discours formatés, prononcées par les médecins, psychiatres ou autres policiers à la fin de la période de soins de l’infortuné Cropsy viennent, tout autant que le crime des jeunes vacanciers, induire les actes horribles perpétrés ultérieurement dans le film. Muni d’une impressionnante paire de cisailles, chapardée dans l’appartement de scarnage_3a première victime – mais que faisait-elle là ? – Cropsy peut ainsi se rendre là où son immolation l’a rendu infirme et ainsi perpétrer sa vengeance dans la seconde partie du film. Car, contrairement à la plupart des slashers et à l’exception du meurtre d’une prostituée, l’essentiel des crimes horribles effectués par le tueur se déroule très tardivement. Entre-temps, le spectateur voit se dérouler une œuvre plus proche d’un Porky’s que d’un Vendredi 13 – même si on a le droit à l’habituelle scène de l’histoire d’épouvante racontée autour du feu de camp –, avec son lot de gamins relous, d’amourettes de vacances et de situations conflictuelles.


Couplée aux effets spéciaux efficaces du sieur Savini, la réalisation et la narration de Maylan étonnent le fan de cinéma d’horreur. La narration, semant ses fausses pistes dans la première partie du film – la douche de Sally, Woodstock et ses vitamines, etc. – vient ensuite se transformer en une chasse mortelle où le gibier est multiple et ceci à la suite d’une séquence anodine de pur moment de détente mais parfaitement référencée : pagayant le long d’une rivière sur plusieurs embarcations, les jeunes victimes s’éclaboussent et s’amusent sur un air de musique loin d’être anodin, rappelant ainsi que depuis Délivrance (1972) le couplage Banjo/Canoë est loin d’être synonyme de plaisir et d’insouciance. De fait, isolé du reste des vacanciers, les jeunes égarés vont se retrouver poursuivis par un tueur sadique qui ne leur laissera aucun répit.

carnage_4Du côté de la réalisation, le cinéaste britannique effectue quelques miracles, à la vue des moyens dont il dispose : ainsi, le premier meurtre, celui de la prostituée, est filmé en clair-obscur et dans une opposition Victime/Lumière contre Meurtrier/Ombre déroutante. Ensuite, dans le camp de vacances, les visions subjectives encerclées d’un flou provenant des blessures fondatrices – une façon sans doute d’exprimer le côté animal de l’assassin – viennent conforter le spectateur dans la sensation d’inconfort initialement énoncée. Muni d’un budget ridicule pour l’époque, – à peine un million de dollars – Maylam compense la « pauvreté » de l’ensemble par un talent indéniable pour le montage. Culminant dans une séquence se terminant sur un fond rouge sang, où une demi-douzaine de vacanciers subit, sur un radeau, le courroux de Cropsy, le montage rapide ainsi que le maquillage de Savini parviennent à rendre cette scène, ambitieuse, parfaitement crédible.

Interprété par un parterre d’acteurs inconnus à l’époque, dont Holly Hunter (La Leçon de piano notamment) et Jason Alexander (le comparse de Jerry Seinfeld dans la série éponyme), Carnage bénéficie, malgré une deuxième partie plus convenue, du talent d’un cinéaste investi et d’un maquilleur hors pair. Couplé à une musique, dans le pur style Bontempi des années 80 mais parfaitement intégrée à l’action, de Rick Waleman, ancien membre du groupe britannique mondialement connu Yes, le long-métrage de Maylam figure indéniablement dans le haut du panier du slasher et mérite d’être (re)vu en salles à l’occasion de cette ressortie opportune.

Fabrice Simon

Carnage (The Burning, 1981) de Tony Meylam
Scénario : Harvey Weinstein, Tony Maylam, Brad Grey et Peter Lawrence
Musique : Rick Wakeman
Photographie : Harvey Harrison
Montage : Jack Sholder
Durée : 91 minutes
Dates de sortie : 8 mai 1981 (États-Unis), 28 avril 1982 (France)
Ressortie : 1 novembre 2017

Avec Brian Matthews, Leah Ayres, Brian Backer, Larry Joshua,….

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