On pourrait donner plusieurs bonnes raisons de voir Run for the Sun (La course au soleil), que signe Roy Boulting en 1956 et que Sidonis Calysta vient d’éditer en DVD depuis le 7 avril. D’abord pour le casting, avec un Richard Widmark en très grande forme et une Jane Greer toujours aussi impressionnante, tant par sa beauté que par la qualité de son jeu. Pour le scénario, adapté d’une nouvelle de Richard Connell, laquelle inspira le fameux The Most Dangerous Game (1932, La chasse du comte Zaroff) d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel (souvent désigné en français par le titre au pluriel). Enfin pour son auteur méconnu chez nous, Roy Boulting, frère jumeau de John avec qui il réalisa de nombreux films en Angleterre, dont Seven Days to Noon (1950, Ultimatum), sorti en DVD chez Tamasa Distribution.
Le charme de cette Course au soleil, et il est grand, tient sans doute aussi à la nonchalance qui submerge le récit à son démarrage. Une jeune femme débarque dans un minuscule aéroport mexicain que l’on croirait tiré du Salaire de la peur, trouve un taxi bringuebalant dont le chauffeur fait la sieste, arrive dans un petit hôtel à la recherche d’un certain Latimer. Ce dernier, incarné par Widmark, est un écrivain retiré du monde dont on fait la connaissance alors qu’il revient d’une partie de pêche. Cette entrée en matière, qui prend son temps dans la description, est à marquer au crédit du cinéaste britannique et de son scénariste Dudley Nichols. On retrouve là le ton de quelques chefs-d’œuvre que ce dernier a écrits pour John Ford et qui prennent leur temps (Judge Priest en 1934, Steamboat ‘Round the Bend l’année suivante) et cet humour dont il a tant fait preuve aussi dans ses scénarios donnés à Howard Hawks (L’impossible M. Bébé en 1938, La captive aux yeux clairs en 1952).
Pour paresseuse qu’elle soit, cette première partie met le spectateur en confiance et ne le prépare pas du tout à ce qui va suivre, lorsque nos deux héros en perdition vont se retrouver accueillis par Trevor Howard et Peter Van Eyck. S’éloignant complètement de la trame de Zaroff – il n’est plus ici question de la fascination pour la chasse -, La course au soleil nous prend au jeu de ce danger que l’on pressent dans la vaste demeure de Howard mais que l’on cerne mal. Quelques séquences nocturnes sont bienvenues, glissant vers un suspense qui va envahir tout le film. Car, sitôt que le couple s’enfuit dans les marais tropicaux, poursuivi par une meute de chiens et des hommes armés, Boulting ne nous donne plus un instant de répit. Certains rétorqueront qu’il existe plus fort en matière de sadisme, c’est certain, mais ce serait oublier la séduction dont se pare l’histoire.
Si les scènes de poursuite sont réussies, c’est parce qu’elles paraissent réelles et non tournées en studio, comme c’était souvent le cas dans les productions hollywoodiennes. Sur certains plans, Van Eyck glisse dans le marais et a du mal à garder son fusil hors de l’eau, séquence qui donne encore plus de réalisme. La légende, mais qui est vérifiée, veut aussi que Jane Greer ait été blessée au cours du tournage et que le virus ramassé au passage lui a, quelques années après, attaqué le cœur.
Sans être un grand film, La course au soleil est une œuvre qui accroche, que l’on aime parce qu’elle renvoie non seulement au grand Zaroff mais aussi à ces productions qui se déroulent au Mexique, de L’aventurier du Rio Grande de Parrish – lui aussi sorti il y a peu en DVD chez Sidonis – aux Orgueilleux d’Yves Allégret, à présent disponible dans une très belle version restaurée par Pathé. Des films qui se sont inscrits dans notre imaginaire et que l’on apprécie, sans savoir parfois pourquoi.
Jean-Charles Lemeunier
La course au soleil
Titre original : Run for the Sun
Année : 1956
Réalisateur : Roy Boulting
Scénario : Dudley Nichols, Roy Boulting d’après la nouvelle de Richard Connell
Image : Joseph LaShelle
Musique : Frederick Steiner
Montage : Frederic Knudtson
Production : Jane Russell, Robert Waterfield, Harry Tatelman
Avec Richard Widmark, Jane Greer, Trevor Howard, Peter Van Eyck, Juan Garcia, José Antonio Carbajal…
Édité en DVD par Sidonis Calysta depuis le 7 avril 2015.