On peut reprocher beaucoup de choses à Jamie Marks Is Dead comme sa forte tendance à la pose indé notamment dans sa première partie qui en accumule de nombreux tics (rythme languissant s’appesantissant sur des contingences quotidiennes, lorgne vers un certain misérabilisme,…), on peut même ricaner et envisager cette histoire avec un certain cynisme face à la gay-attitude prononcée de la relation entre le fantôme de Jamie Marks et Adam, le garçon qu’il hante, à la symbolique pas très subtile. Malgré tout, il se dégage de ce film une sensibilité touchante empreinte de mélancolie et de tristesse qui marqueront le parcours d’Adam lors de sa traversée du territoire d’âmes perdues. Un récit naturaliste qui n’élude pourtant pas sa nature fantastique.
Le cadavre de Jamie Marks est retrouvé sur la berge d’une rivière par Gracie, une ado venue là pour compléter sa collection de roches. L’indifférence que cette disparition occasionne parmi les autres élèves va toucher Adam qui cherchera à en savoir plus sur Jamie et faire en sorte que l’on se souvienne de lui. Dans l’aventure, il s’éprendra autant de Gracie que de Jamie, partageant une intimité différente avec chacun (et où l’apparition de l’un perturbera ses ébats avec l’autre), formant ainsi une quête identitaire autant que sexuelle. Au contraire de Gracie, Adam accepte la compagnie du fantôme de Jamie qu’il parvient également à percevoir, lui permettant de venir se réfugier dans son placard et lui prêtant même des vêtements. L’intrigue tournera alors moins autour du mystère de la mort de ce jeune homme (meurtre ou suicide) que la résolution des tourments d’Adam.
La compagnie de Jamie va entraîner Adam dans un entre-deux monde peu engageant illustrant l’instabilité émotionnelle de son environnement habituel. La nature même d’Adam le prédisposait à pouvoir ainsi côtoyer l’altérité. S’il n’était pas persécuté comme pouvait l’être Jamie parce qu’il est un coureur de fond reconnu sur le campus, Adam est roux et introverti, des « tares » qui pouvait tout aussi bien le désigner comme victime potentielle de camarades en mâle de domination. Carter Smith le réalisateur multipliera d’ailleurs les éléments symbolisant le franchissement d’une limite intangible avec le surnaturel, que ce soit Adam se dévêtissant pour s’allonger à l’endroit même où a été retrouvé le corps de Jamie, au pont séparant les berges, en passant par le tunnel vers lequel les esprits errants doivent être guidés. Le film joue également sur les sentiments de culpabilité et de pardon qui animent profondément Adam et qui se voient illustrer par ce qu’il vit au sein de sa propre famille. Sa mère est devenue paraplégique à la suite d’un accident le jour même de la mort de Jamie et est devenue amie avec la femme qui l’a percuté, une situation qu’il a du mal à accepter.
Enfin, le film joue remarquablement la partition de l’incarnation du fantôme constitutive de la propre essence du héros en faisant de Jamie Marks une entité se nourrissant littéralement de mots prononcés à son oreille par Adam. Ces mots seront à chaque fois l’expression de l’état d’esprit et d’émotion d’Adam.
Loin d’être parfait, parfois en équilibre instable entre ennui et ambiance lancinante, Jamie Marks Is Dead prodigue malgré tout une intrigante fascination.
Nicolas Zugasti
JAMIE MARKS IS DEAD
Réalisateur : Carter Smith
Scénario : Carter Smith d’après le roman One For Sorrow de Christopher Barzak
Interprètes : Liv Tyler, Judy Greer, Cameron Monaghan, Morgan Saylor, Noah Silver …
Photo : Darren Lew
Bande originale : François-Eudes Chanfrault
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h41