Bien le bonjour à toutes et à tous. Dans ce nouvel opus de Roots, que des OFNI, dont trois Français, sur quatre titres. Cocorico ! Oui monsieur, il fut un temps où nos réalisateurs hexagonaux faisaient des films vraiment vraiment barrés. Mais commençons par l’étrange étranger de service. Il s’agit de L’Astrologue, de 1976, signé Graig Denney, qui se dirige effrontément en s’octroyant le rôle principal. Amis du nanar cosmique et psychotronique, bienvenue. Joué et réalisé avec une totale absence de talent, ce film mou mais fou raconte la vie d’un astrologue escroc et aventurier. Bourré d’incohérences et de plans d’un ciel étoilé traversé par des images de signes zodiacaux et de symboles occultes (à chaque évènement et apparition d’un nouveau protagoniste), ce truc cheap est involontairement hilarant, un peu comme du Lindsay Shonteff. C’est plus ou moins découpé en chapitres : jeunesse et début comme médium dans un parc d’attraction de Long Island, chasse aux diamants en Afrique de l’Est, deux mois de « fuite » sur un yacht en pleine mer, magouilles à Papeete… Devenu riche suite à ses carambouilles et aventures, le gugusse monte et produit des émissions TV sur « la nouvelle astrologie » et produit des films à sa gloire (dont un certain The Astrologer), où il joue son propre rôle, une sorte de reflet gigogne des fantasmes du réa-acteur. Le perso est contacté par la marine US pour enquêter sur un des mystères du triangle des Bermudes… Bref, success-story jusqu’au jour où tout s’écroule. Voix -ff rigolote, VF gratinée, durée d’à peine 1h05mn, BO des Moody Blues, filmé en Astravision (hé ouais). Redisons-le, c’est drôle, mais de toute évidence ce n’est pas voulu.
Galaxie, lui, réalisé en 1972 par Mathias R. Mérègny est un autre film étrange et bien sûr oublié des mémoires cinéphiliques (rien trouvé sur le Net, sinon un référencement succin sur le site d’UniFrance et sur IMDB). Doté d’une jaquette de K7V très SF New Age (Une lune plonge dans un océan surmonté de deux yeux dans un ciel étoilé), il s’avère tout à fait regardable. Suspense érudit, bourré de dialogues qui se veulent savants, sans pratiquement de scènes d’action, Galaxie commence comme une enquête aux confins du thriller : plusieurs scientifiques et mathématiciens sont retrouvés morts d’un arrêt du cœur dans la pièce principale d’un institut scientifique européen. Ils mettaient la dernière main à la programmation d’un super-ordinateur qui leur avait déjà fourni des données les laissant perplexes. Plusieurs autres savants ont disparus ou sont retrouvés amnésiques. Une scientifique est placée dans une clinique privée et tente de retrouver la mémoire avec l’aide d’une sommité et d’un flic chargé de l’enquête. Il s’avère que l’ordinateur dévoreur d’équations a peut-être trouvé la preuve de l’existence de l’anti-univers et que les savants ont voulus en ouvrir une des portes. Divagations ? Première surprise, le film est plutôt bien emballé et frise l’audace dans certains effets de montage. Seconde surprise : la distribution est quasiment impeccable, pleins de seconds rôles irréprochables. Seul l’acteur principal, Henri Serre, joue à peu près comme l’endive que j’ai mangé hier soir. Le rôle féminin est dévolu à Marika Green, agréable actrice qui commença dans le Pickpocket de Bresson et joua dans Le Passager de la pluie, L’Affaire Crazy Capo, Emmanuelle, French Lover… C’est aussi la belle-sœur de Marlène Jobert et la tata d’Eva Green. Le nom du réalisateur est le pseudonyme de Maté Rabinovski (ou inversement), qui œuvrera surtout à la TV dans les années 80-90 (TVF, pièces de théâtre…). Mon tout est bien un peu « wiz », frise occasionnellement le psychédélisme, ressemble parfois aux publicités (pour des parfums, des bijoux ou des clopes) des années 70 vu dans les revues de charmes mais reste une sorte de polar « psy » s’en tenant à son intrigue. Un prédécesseur à Brainstorm et Memento quoi.
GALAXIE
Réalisateur : Maté Rabinovski (aka Mathias R. Mérégny)
Scénario : Roger Michel & Maté Rabinovski
Photo : Bernard Paris
Montage : Marie Montanet & Marion Paris
Bande originale : Janos Komives
Origine : France
Durée : 1h30
Sortie pays d’origine : mai 1972
Un peu plus tardif (il date de 1979), le Haine de Dominique Goult est tout aussi dingo que digne d’intérêt. D’autant que la chose est habitée par Klaus Kinski, Maria Schneider, Patrice Melennec, et pourvue de petits rôles attribués à Evelyne Bouix et Katia Tchenko. Sorte de polar rural et de western contemporain, il est quelque peu plombé de notions auteurisantes, ce qui induit une distribution un chouïa empesée et des moments d’introspections comme de flottement à la limite du logique. L’intrigue débute par la vision d’un motard de noir vêtu tuant accidentellement une gamine. Il fuit. La populace, menée par une brute psychotique, va s’en prendre par haine aveugle et bêtise à un motard de passage de blanc vêtu (l’ami Klaus, impeccable) : ils lui tirent la gueule, sabote sa moto, refuse de lui filer de l’essence, l’empêche de quitter leur village dans le trou du cul de la France des bouseux. Ce n’est pas trop mal torché, notamment les sobres cascades et l’hallali final. Donc polar redneck qui se refuse comme tel, genre « c’est une métaphore blablabla ».
HAINE
Réalisateur : Dominique Goult
Scénario : Dominique Goult
Photo : Roland Dantigny
Montage : Jean-Claude Bonfanty
Bande originale : Alain Jomy
Origine : France
Durée : 1h30
Sortie pays d’origine : 09 janvier 1980
Finissons cette séance avec Cinq et la peau, de Pierre Rissient, en 1980. Rissient ? Si vous ne connaissez pas le bonhomme, sachez que Rissient est une des grandes figures de la cinéphilie hexagonale, c’est cinquante ans environ de curiosité et de passion. Rissient fut un membre historique du célèbre ciné-club du cinéma le Mac-Mahon, fut attaché de presse (notamment de Tavernier), assistant-réalisateur (Godard, Deville), conseiller artistique du Festival de Cannes durant plusieurs décennies, grand amateur de cinéma asiatique et américain. Mémoire vivante du cinéma, capable d’écrire des volumes entiers d’anecdotes sur les arcanes du septième art, considéré comme une personnalité influente au niveau international, ayant été de ceux poussant en avant des cinéastes comme Boorman, Schatzberg, Campion, Leigh, Kiarostami, Brocka et des dizaines d’autres, il s’est par deux fois essayé à la réalisation. Cinq et la peau est son second essai. Il y dirige Feodor Atkine et Eiko Matsuda (la madame de L’Empire des sens, right ?). Un homme, Français, à Manille, vit sans autre but et activité que la recherche de son Moi profond, d’un nouveau sens à sa vie, que la rencontre de femmes. Très atypique, le genre de film d’auteur qui pourrait être des plus chiant et prétentieux et qui se révèle hypnotique. Hormis la personnalité du réalisateur, que le spectateur n’est pas obligé de connaître, le film est un ovni filmique tourné avec très peu d’acteurs et une petite équipe dans un Manille de documentaire et surtout misérable. Nombreux plans sur des visages et des corps de femmes, des enfants aussi. Torpeur, solitude, existentialisme, « arrêts sur image », visages, fourmilière, dépotoir, cimetières à demi abandonnés au sol comme tordu par des secousses telluriques, constance de la voix-off, références à Fritz Lang, Raoul Walsh et Fernando Pessoa. Une des pierres précieuses oubliées d’un cinéma français véritablement qualifiable de non-commercial.
CINQ ET LA PEAU
Réalisateur : Pierre Rissient
Scénario : Lucie Albertini, Alain Archambault, Eugène Guillevic, Fernando Pessoa, Pierre Rissient
Photo : Alain Derobe, Romeo Vitug, Daniel Vogel
Montage : Marie-José Audiard, Mounira M’Hirsi, Sheherazade Saadi, Bob Wade
Bande originale : Benoît Charvet & Claude Danu
Origine : France/Philippines
Durée : 1h35
Sortie pays d’origine : 02 juin 1982
Tonton Hellebé