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la fessée affiche

Bach Films met à la vente en DVD trois films érotiques, La fessée de Burd Tranbaree, Belles d’un soir et Le sexe qui parle de Frédéric Lansac. Avec quelques petites peu farouches sachant mettre l’eau à la bouche. Au spectateur alors de suivre ou pas Gainsbourg et de quitter la rive ou partir à la dérive.

Curieuse époque que ces années 70. Des cinéastes étaient capables de passer de la comédie classique tout public au film pornographique sans sourciller, juste histoire de continuer à travailler. Des exemples ? Sans être légion, ils sont toutefois assez nombreux.
Ainsi Claude Bernard-Aubert, capable de signer Le facteur s’en va-t-en guerre (1966) avec Charles Aznavour et L’affaire Dominici (1973) avec Jean Gabin pour repartir, caméra à l’épaule et sous l’anagramme de Burd Tranbaree, filmer les galipettes de La fessée en 1976 ou Excès pornographiques l’année suivante. Cette même année 1977, il réalise également un thriller se déroulant pendant la dernière guerre, L’aigle et la colombe, et alterne ainsi les films de cul avec le classicisme.

Restons dans les anagrammes : Pierre Unia s’applique sur des comédies pouet pouet, style Le pied (1975), avec Micheline Dax, Christian Alers, Perrette Souplex et Katia Tchenko. Et, sous le nom de Reine Pirau, s’en donne à cœur joie avec Une hôtesse très spéciale (1979), Vacances polissonnes (1980) ou Bouches à plaisir, culs pour jouir (1982).

Belles d'un soir affiche

Claude Mulot a fait preuve de quelques velléités artistiques avec La rose écorchée (1970), jouée par Philippe Lemaire et Anny Duperey ou La saignée (1971) avec Bruno Pradal, Charles Southwood, Gabriele Tinti, Ewa Swann, Patti d’Arbanville (la Lady de Cat Stevens), Sydney Chaplin (le fils de) et le chanteur Pierre Vassiliu. Il réalise encore Profession : Aventuriers (1973) avec Nathalie Delon, André Pousse, Curd Jürgens et le même Charles Southwood, héros de westerns spaghetti aperçu également chez Lautner (Quelques messieurs trop tranquilles). Déjà auteur d’un Sexyrella en 1968, Mulot enchaîne, sous le nom de Frédéric Lansac avec une série de pornos : Les charnelles (1974), Y’a pas de mal à se faire du bien (1974), Le sexe qui parle (1975), Suprêmes jouissances (1977), La grande baise (1977), Belles d’un soir (1977), j’en passe et des meilleurs. Avant de revenir en 1981 avec un sommet du septième art, digne de Max Pécas : Le jour se lève et les conneries commencent, dans lequel on croise Maurice Risch, Jacques Legras, Henri Guybet, Valérie Kaprisky (dans un petit rôle et encore sous son véritable patronyme de Valérie Chérès) et, cerise sur le gâteau : Johnny Hallyday ! D’ailleurs, on parle de Max Pécas et Mulot écrira pour lui, en 1987, le scénario de On se calme et on boit frais à Saint-Tropez. Ah bon ? Y’avait un scénario ? Faut croire !

Claude Pierson, connu du grand public pour La grande récré (1976), que jouent les frères Préboist, Michel Galabru, Roger Carel et quelques autres, est également un grand pourvoyeur de pornos, sous les noms d’Andrée Marchand, Caroline Joyce ou Paul Martin. Avant et après ce film familial qu’est La grande récré.

Quant à Serge Korber, il se montre tout aussi capable de filmer Louis de Funès dans L’homme orchestre (1970) et Sur un arbre perché (1971) que Sylvia Bourdon, reine du hard, dans À bout de sexe (1975). Il prend alors le nom de John Thomas pour dérider d’autres muscles que les zygomatiques. Lequel À bout de sexe est tourné immédiatement après Ursule et Grelu, histoire d’amour entre Annie Girardot et Bernard Fresson.

À côté de ceux-là, un des maîtres du porno à la française, Gérard Kikoïne, a donné quelques-unes de ses lettres de noblesse au genre avec des titres tels que L’amour à la bouche (1974) ou Entrechattes (1978) ou encore Bon chic bon genre… mais salopes !! (1983). Tout un programme ! Et bien ce monsieur se recycle à la télé et va signer plusieurs aventures du Commissaire Moulin.

Voici donc disponibles à la vente La fessée, Belles d’un soir et Le sexe qui parle, trois films qui firent transpirer les adolescents de la fin des 30 glorieuses. Le sexe allait ensuite s’enfermer dans le circuit porno et se ghettoïser et les trois films en question, signés on l’a vu par des cinéastes qui jonglaient d’un style à l’autre, allaient devenir le fleuron d’un âge d’or révolu. Bach Films a d’ailleurs choisi de montrer ces trois récits dans leur version soft.

On passera sur Belles d’un soir vu que, sorti des scènes de cul coupées au montage -n’oublions pas que nous sommes ici en présence d’une version non-pornographique-, le film ne garde que quelques bavardages pas très folichons, malgré la présence d’une jeune Brigitte Lahaie. Et, plutôt que montrer la libération féminine, ainsi que le prétend Christophe Lemaire dans le supplément, on se demande si tout ceci n’est pas simplement phallocrate, dans la grande tradition du genre. La fessée, quant à lui, ne s’intéresse qu’à une seule pratique, qui lui donne tout son sens. mais qui peut au bout d’un moment, une fois que l’on a compris, lasser sur la longueur.

Sexe qui parle affiche

On ne le croirait a priori pas mais Le sexe qui parle se réfère à Diderot et à ses Bijoux indiscrets, un roman licencieux dans lequel le superviseur de L’Encyclopédie raconte comment, grâce à un anneau magique, un sultan peut faire parler les sexes des femmes, les bijoux du titre. L’idée est étonnante et, lorsque le film sort, ce n’est pas le nom de Diderot qui attire le chaland. Ce sexe, qui cause du nez avec une voix exaspérante, va soudain dire tout haut des pensées refoulées par la jeune femme à qui il appartient. Comme si la société plus ou moins puritaine dans laquelle ils vivent, elle et son mari, faite de travail, de sexe conjugal pantouflard et de soirées entre ami(e)s, se mettait à hurler des vérités que personne n’est prêt à entendre.

On notera encore cette promiscuité entre les cinémas érotique et classique en la personne du chef opérateur du film, Roger Fellous. Celui qui a débuté comme cameraman chez Marcel Carné (Hôtel du Nord, 1938) photographiera ensuite les œuvres de Marc Allégret, Georges Lautner, André Cayatte, Julien Duvivier et Luis Buñuel avant de s’embarquer dans le porno. Il signe ici quelques plans particulièrement iconoclastes : puisque le sexe de l’épouse se met à causer, Fellous filme de l’intérieur ses interlocuteurs, visibles par une fente auréolée-olé de poils. De la même manière, le journaliste qui voudra interroger ce sexe bavard va devoir glisser son micro à l’intérieur pour mieux entendre.

Avec ce troisième film, on est carrément dans une réelle histoire dont la subversion n’est pas à négliger. Dans Le sexe qui parle, il sera question de sujets souvent tabous, y compris en matière de cinéma érotique : l’inceste, les relations sexuelles entre un surveillant de classe et ses jeunes élèves, la religion avec une séquence fort à propos de coucherie dans un confessionnal, ou l’utilisation d’un jouet enfantin -Pinocchio au long nez de bois- comme substitut masculin. Dans ce film 100% hétéro (ce qui signifie, entendons-nous bien, les hommes avec les femmes et les femmes entre elles), on voit même, le temps d’une séance de pose devant une artiste peintre, deux jeunes éphèbes se caresser. Mais le principal sujet du film, celui qui a dû faire grincer quelques dents, est celui du couple. La femme a beau crier sur les toits qu’elle aime son mari, voilà son sexe qui se met à causer pour dire des choses franchement pas sympathiques. En matière de jouissance, le mari s’y prend comme un bleu et le personnage de mâle conquérant y perd de sa superbe. Toute une époque !

Jean-Charles Lemeunier

Collection de films érotiques sortie chez Bach Films le 11 août 2014.

Une vidéo du journaliste Christophe Lemaire, spécialiste de cinéma bis qui apparaît dans les suppléments de la collection, interviewé par ARTE.

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