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« Ce n’est pas un message qui intrigue le public. Ce n’est pas une grande interprétation qui a bouleversé le public. Ce n’était pas un roman très apprécié qui a captivé le public. Ce qui a ému le public, c’était le film pur. » « Dans un film de ce genre, c’est la caméra qui fait tout le travail. » Ces propos sont du maître britannique du suspens tirés du livre d’entretiens le plus célèbre entre Hitchcock et Truffaut. Si ces assertions concernent Psychose, elles peuvent aisément s’appliquer à l’ensemble de l’œuvre de John McTiernan. Un réalisateur qui officie comme Hitchcock dans un rôle avant tout d’artisan du divertissement, mais les deux se proposent d’élever le genre investi par une mise en scène précise entièrement vouée à la satisfaction immédiate du public tout en l’amenant vers une compréhension non plus explicative et discursive mais plus instinctive et sensorielle. Les mouvements de caméra, associations d’images et autres effets de montage ambitieux dénotent ainsi d’une éternelle volonté narrative plutôt que vainement ostentatoire.
Maintes fois les faiseurs d’Hollywood ont tenté de reproduire la maestria de McTiernan sans jamais l’égaler. Et le manque de reconnaissance de son talent qui l’a frappé pendant des années (et perdure plus ou moins) demeure une incompréhensible abbération. Car un cinéaste autant travaillé par l’élaboration de spectacles populaires sophistiqués ne mérite pas de rester dans l’ombre.

John McTiernan est un maître de la grammaire cinématographique, capable de redéfinir profondément le genre voire le médium. Pourtant, depuis ses débuts en 1986 avec Nomads, ce fut assez rarement en ces termes élogieux que l’on parla de lui. Comme si œuvrer dans le cinéma populaire était incompatible avec des velléités artistiques élaborées et devait frapper d’infâmie ou d’inanité les réalisateurs s’y adonnant. Même pour Spielberg qui bénéficie d’une aura inconnue de McT et dont l’emprise dans l’industrie hollywwodienne est incommensurable, on s’ébahit généralement peu devant son incroyable talent de réalisateur (mais cela va changer grâce à l’initiative saugrenue de Soderbergh, non ?), préférant s’attarder sur se succès colossaux au box-office, quitte à le réduire à un habile conteur grand public, ce dernier terme manié avec toute la condescendance et le mépris requis par ses contempteurs pour qualifier un cinéma peu exigeant puisque faisant rêver la masse. Vieille antienne qui veut que la réussite soit suspecte et disqualifie d’office de la moindre volonté créatrice réfléchie. Des succès, McTiernan en aura connu, pas d’aussi grande envergure mais tout de même appréciables, du moins jusque A La poursuite d’Octobre Rouge. Après cela s’est quelque peu gâté, notamment avec le bide de Last Action Hero (cartoon live survatiminé) que le définitif Die Hard With A Vengeance n’effacera pas complètement. Sa carrière aura malheureusement été marquée par des rendez-vous manqués, entre évocation poétique (Medicine Man), chefs-d’œuvre charcuté (Le Treizième guerrier) ou incompris (Rollerball), romance d’une classe et d’une grâce  étincelante (Thomas Crown) ou petit grand film retors (Basic).

McT Die Hard 3

Ce qui est véritablement dramatique avec McTiernan est qu’il soit autant déconsidéré alors même qu’il s’efforce de créer minutieusement un spectacle de qualité éminemment accessible. Et ce par le biais d’une mise en scène dont la limpidité n’a d’égale que le raffinement et entièrement dévolue au récit. Autrement dit, pas le genre à se regarder filmer. Génie incompris, réalisateur parfaitement sous-estimé que l’on a tendance à réduire à sa propension à faire des films d’action bourrins et décérébrés. Alors qu’un peu d’attention ne laisse aucun doute sur ses qualités d’esthète, sa perpétuelle et mordante ironie ou ses talents de compositeur de l’image. A tel point que sa recherche d’une harmonie visuelle est intrinsèquement liée à son intérêt pour l’harmonie musicale. Cette musicalité picturale se retrouve et se développe également à travers une approche linguistique de l’esthétique, les langues et autres dialectes étant définis voire même approfondis par le langage cinématographique. Un metteur en scène d’images au pouvoir iconique démentiel au profit de héros dont il va mettre à l’épreuve la splendeur et le statu quo par un retour à un corps organique et une représentation non plus surhumaine ou supra humaine mais définitivement attachée aux valeurs véhiculées par l’homme de la rue, le populo, le prolétaire. Soit une observation anthropologique de l’évolution de l’homme d’action.

Ce qui caractérise sans doute le mieux le cinéma de John McTiernan est sa préoccupation de limpidité, de simplicité, sa recherche du bon tempo. C’est ce qu’il exprime à Vincent Malausa pour le n°690 de juin 2013 des Cahiers du cinéma n°690 juin 2013 : «  Il existe une règle stricte pour tout film d’action : vous devez avoir une parfaite lisibilité de l’espace et comprendre la géographie du film. Il faut avoir l’impression d’y être. Le lieu est le centre du problème. Sans rapport au lieu, vous ne comprenez pas l’histoire. La vie n’est qu’une suite d’actions, si vous voyez quelqu’un courir sans savoir où il est, ni d’où il vient, ni où il va, vous ne comprenez rien. »

McT Last Action Hero

Six mois après sa sortie de prison suite aux remous de l’affaire Pellicano, John McTiernan a fait l’objet d’un hommage appuyé lors du 40ème festival du cinéma américain de Deauville et dans la foulée par la Cinémathèque où une rétrospective lui a été consacrée. Chaque événement étant ponctué d’une masterclass que l’on ne manquera pas de relayer dès qu’elles auront été mises en ligne. On se réjouit d’un tel retour sur le devant de la scène, surtout qu’il est le prémisse d’un retour derrière la caméra pour Warbirds avec John Travolta. Plus de onze ans depuis son dernier film Basic en 2003, sans tourner la moindre image, soit onze de malheur pour McT qui n’aime rien tant que se retrouver sur un plateau.
A la rédaction, nous adorons ce génie de la mise en scène. Depuis toujours. Les deux premiers numéros de la revue parus en 2002 se partageaient un dossier conséquent et le numéro 11 en 2007 profitait de la sortie de l’inepte Die Hard 4 pour revenir sur les épisodes de la saga Die Hard qu’il réalisa et l’icône McClane qu’il édifia. Et bien entendu, nous avons soutenus les efforts déployés par le collectif Free John McTiernan durant ses ennuis judiciaires puis son incarcération. Afin de rester dans le sillage des différents hommages rendus à cet esthète et pour fêter son comeback, il était donc logique que nous lui consacrions un nouveau dossier qui se partagera entre analyses de séquences et approches thématiques.

Nicolas Zugasti

Une réflexion sur “Dossier John Mc Tiernan – Introduction : Dream Hard

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