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le fouineur affiche

Avec son split screen, écran partagé fort à la mode chez les cinéastes américains des années soixante-dix, Le fouineur (Il commissario Pepe) commence comme un vrai polar. Très vite, Ettore Scola, qui en a écrit le scénario avec son habituel complice Ruggero Maccari, se rabat sur ce qu’il sait faire le mieux : utiliser ses dons d’observateur pour une dissection en règle de la société italienne.

Nous sommes dans une petite ville du nord de l’Italie, proche de Milan, et le commissaire Pepe (Ugo Tognazzi) l’avoue lui-même, il ne fait pas grand chose, les crimes étant laissés aux grandes cités. Pourtant, des lettres anonymes le poussent à enquêter sur les mœurs de ses concitoyens.

Même si son nom est souvent associé à ceux de ses confrères Dino Risi et Mario Monicelli, Scola est malgré tout beaucoup moins féroce qu’eux. On songe au rôle quasi similaire que Tognazzi tient dans In nome del popolo italiano (1971, Au nom du peuple italien), l’un des chefs-d’œuvre de Dino Risi, pour se rendre compte que Scola se place un rang au-dessous. Sans doute parce qu’il n’oppose à son acteur, le grand Ugo, aucun autre nom prestigieux (dans Au nom du peuple italien, Tognazzi a fort à faire avec Vittorio Gassman). Pas de véritable duel ici, sinon avec Giuseppe Maffioli, un des personnages les plus intéressants du film.

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Maffioli est un invalide de guerre qui représente la mauvaise conscience de la cité. Il passe son temps, sur sa chaise roulante motorisée, à sillonner les rues en hurlant les vérités qui ne sont pas toutes bonnes à entendre. Il sait tout sur tout le monde, beaucoup plus que le premier flic de l’endroit, et explique (beau moment du film) qu’il est détestable pour qu’on ne le prenne pas en pitié, ce qu’il ne supporterait pas. Mais les cocus, les collabos des fascistes (n’oublions pas que l’action se situe quelque 25 années après la guerre) et les voleurs à la petite semaine font mine de ne rien entendre, cloitrés derrière leurs fenêtres.

Les scandales découverts par notre commissaire, tous d’ordre sexuel, ne paraissent pas aujourd’hui très sensibles, même si beaucoup touchent quelques édiles de la communauté. C’est sans doute là où le bât blesse, c’est que rien n’est vraiment dérangeant et que Pepe dise la vérité ou la taise n’est finalement pas si important que cela.

Excellent acteur, Ugo Tognazzi donne de l’éclat à ce commissaire qui se promène dans cette histoire en donnant l’impression de se moquer des turpitudes qu’il soulève, comme s’il savait d’avance de quoi la vie est faite. Il aura malgré tout un véritable cas de conscience et c’est sans doute davantage l’homme qui intéresse Scola, beaucoup plus que le fonctionnaire et les scandales eux-mêmes. Car Pepe a des fantasmes, lui aussi, qui le ravalent au rang de ceux qu’il est censé emprisonner (mais avec Silvia Dionisio, n’est-il pas normal d’avoir ce genre d’idées ?). Lui se retient, certes, mais il a les mêmes idées. Et s’il est contraint d’accepter quelques compromissions, il prendra à la fin la décision qui définit son courage.

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Il est évident que Scola, prolifique scénariste de la grande époque (entre autres de plusieurs Risi, dont Le fanfaron, La marche sur Rome et Les monstres), fait encore ici ses gammes de cinéaste. Le fouineur n’est que son cinquième long-métrage et il devra encore attendre quelques années, après le réjouissant Drame de la jalousie, pour atteindre la maturité et l’excellence avec Nous nous sommes tant aimés. Découvrir les premiers pas d’un maître est toujours passionnant.

Jean-Charles Lemeunier

 

Le fouineur (Il commissario Pepe)
Italie
Réalisé par Ettore Scola
Écrit par Ettore Scola et Ruggero Maccari d’après le roman d’Ugo Facco de Lagarda
Photo : Claudio Cirillo
Musique : Armando Trovaioli
Interprètes : Ugo Tognazzi, Silvia Dionisio, Giuseppe Maffioli, Tano Cimarosa, Marianne Comtell, Véronique Vendell, Rita Calderoni, Dana Ghia
Durée : 107 minutes
Sortie en salles en Italie en 1969 et en DVD le 14 avril 2014
Éditeur : Bach Films

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