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La présence discrète (enfin… façon de parler) de l’actrice Julie Gayet dans ce drame intimiste et naturaliste signé Mathieu Roy offrira-t-elle au DVD du film une belle tribune de promotion ? Forcément, on est en droit de se poser la question, quand bien même cette mention se ferait, à coup sûr, pour de mauvaises raisons. Laissons-là les potins de célébrités politico-cinématographiques et venons-en au film lui-même. Sorti en DVD au Canada le 04 février dernier après une exploitation en salles à l’automne 2013, L’autre maison raconte l’histoire d’un père de famille (très bon Marcel Sabourin) qui, atteint de sénilité, s’évade quotidiennement de la maison où il vit avec son fils Éric (Émile Proulx-Cloutier). Le frère de ce dernier, Gabriel (interprété par un Roy Dupuis maussade, taciturne, dont la morosité se confond avec un certain magnétisme) est reporter en zones de guerre, et profite surtout de ses virées à l’autre bout du monde (Afrique, Afghanistan…)  pour fuir la maladie paternelle et l’ambiance déprimante de la demeure familiale. Les deux hommes, que tout oppose a priori (immobilisme du plus jeune contre impossibilité de se poser de l’aîné) vont être amenés à retisser des liens tandis que leur père se détache peu à peu du monde réel.

L'AUTRE MAISON

Raconté ainsi, le film ne se démarque pas d’une majeure partie de la production cinématographique québécoise – et même française. Sur le papier, et à l’écran à bien des moments, L’autre maison ne sort pas de sa condition de drame familial pensé pour les festivals ou une diffusion prochaine sur les chaînes de télévision. Pas de vrai début, une fin qui s’apparente plus à une conclusion (ce n’est pas la même chose), pas d’intrigue, même existentielle, à proprement parler. Impossible d’en valider la qualité, ou disons : la profondeur, scénaristique. Personnages et situations ne tiennent qu’à un fil, celui de l’interprétation – en particulier celle de Marcel Sabourin. Plus qu’une délicate histoire en creux, L’autre maison propose en fait un cinéma abstrait, traversé de coups d’éclat (tensions entre les deux frères, paranoïa d’Éric concernant sa compagne, embuscade armée dont est victime Gabriel en tant que reporter de guerre). Pas toujours exigeant dans sa forme (la réalisation frôle certains standards télévisuels question mouvements de caméra et découpage), le premier « long » de Mathieu Roy peine à susciter la passion spectatorielle. Pour aller vite, on dira que c’est un métrage émouvant mais un brin déprimant, comme on en voit par dizaines chaque année.

L'AUTRE MAISON

Mais l’évanescence, voire l’inconsistance du spectacle à proprement parler sert, au final, un magnifique propos sur les mouvements de l’âme, les flux migratoires des uns et des autres mais aussi des des souvenirs, des ambiances, des sentiments : les absences de Gabriel, l’entourage culturel et métissé d’Éric, les déambulations du père en pleine forêt ou en canot… L’aventure émotionnelle et le cheminement mental prennent ici forme dans un cadre naturel qui apporte au film toute sa valeur ajoutée poétique, sensitive, céleste. Ainsi Mathieu Roy se sert-il de cette maison au bord du lac et dans les bois, pour nous offrir des scènes de vie intergénérationnelle filmées tantôt à hauteur d’hommes, tantôt depuis le point de vue omniscient d’une nature régénératrice, propice à l’évasion mais aussi à l’évaporation, comme le montrent cette multitude de plans aquatiques et aériens, ces plongées depuis la cime des arbres, ces contreplongées contemplant le ciel, les étoiles ou des feux d’artifice dans la nuit… Une ambiance planante que renforcent les déplacements en avion incessants de Gabriel et les aspirations aéronautiques d’Éric rêvant de devenir pilote.

L'AUTRE MAISON

Doté d’une photographie assez exceptionnelle qui rend justice à ses décors naturels et au concept de voyage des sens – une impression de « road trip » habite la pellicule, avec cette façon particulière de filmer les routes de campagne nord-américaine au petit matin – L’autre maison ne raconte rien d’autre qu’une traversée fantomatique (chaque fois qu’un personnage « sort » de l’histoire, son image se reflète dans l’eau), un passage d’un état à un autre. Vu sous cet angle, le film prend une dimension poétique majeure. Un beau tableau en mouvements (lents…) et aux images ciselées, à défaut d’un vrai moment de divertissement.

Stéphane Ledien

L’autre maison
Réalisation : Mathieu Roy
Scénario : Michael Ramsey & Mathieu Roy
Interprètes : Marcel Sabourin, Roy Dupuis, Émile Proulx-Cloutier, Florence Blain, Julie Gayet…
Photo : Steve Asselin
Montage : Louis-Martin Paradis
Pays : Canada
Durée : 1h40
Film sorti en DVD Zone 1, en Vidéo Sur Demande et sur iTunes le 4 février 2014
Éditeur : Max Films et TVA Films

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