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L’Ultimatum des trois mercenaires est entré dans la légende noire de l’histoire du cinéma pour cause d’échec public, de sortie quasi sacrifiée et de disparition en catimini des écrans radars. Edité en cassette vidéo durant la première moitié des années 80 sans que grand monde ne s’en mette un exemplaire sous le coude, ce film maudit de Robert Aldrich, co-production américano-allemande tournée en 1977, n’était plus visible que par quelques chanceux mais dans une version largement tronquée. (1) Après sa brève ressortie ciné courant 2013, c’est enfin début novembre sa diffusion en DVD et Blu-ray. Cette édition permet, pour la première fois, de voir le film dans sa version intégrale remastérisée (2h20, quand même), agrémenté d’un excellent documentaire d’une bonne heure. Damned*, pour un schnock comme bibi, c’est kikitoutdur.
L’histoire est celle d’un commando de militaires parias qui, suite à leur évasion d’une prison à pioupiou, prend le contrôle d’une base de lancement de missiles de la gamme Titan. Les trois hommes (le quatrième, une brute épaisse incarnée par le baraqué William Smith, est assez vite liquidé par le chef de groupe) ont des revendications plus ou moins antinomiques et réalistes : dix millions de dollars, la mise à disposition d’Air Force One (ben voyons), la présence du Président étasunien dans ledit avion (no soucy, man) mais surtout la divulgation publique d’un rapport secret sur les raisons profondes de l’engagement des USA dans l’ex-Indochine.
Si ce thriller militaire et politique dans lequel il n’y a pas un seul mercenaire a forcément prit quelques rides et n’est pas exempt de naïvetés, sa puissance de feu reste impressionnante. Robert Aldrich s’y fait aussi véhément que dans son génialissime Attack ! puisque dénonciation assez frontale d’impostures gouvernementales, du complexe militaro-industriel, de l’anticommunisme primaire et très nettement de la guerre au Vietnam.

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Dotée d’une distribution pour le moins solide (Burt Lancaster, Richard Widmark, Charles Durning, Paul Winfield, Burt Young, Richard Jaeckel, William Smith, Joseph Cotten…), cette production indépendante malgré ses airs de blockbuster marie des plus adroitement film d’action et duel psychologique. Parmi ses atouts et particularités, la grande importance donnée à la cellule de crise présidentielle et aux doutes comme aux convictions des deux chefs, celui de la nation (Charles Durning, comme souvent, est assez génial) et celui des « terroristes ». Le film s’attache à démontrer comment les décideurs civils et militaires (hormis le Président et son aide de camp) deviennent des monstres froids adeptes du secret d’Etat, de la manipulation et du contrôle intensif des peuples et prêts à plonger dans l’ère de la haute technologie à tout crin. A ce titre, L’Ultimatum des trois mercenaires est une œuvre aussi glaçante, colérique et désespérée que le Osterman Week-end de Sam Peckinpah.
L’un des points d’orgue de ce suspense est la colère d’un Président probablement à la sensibilité libérale démocrate lorsqu’il prend connaissance du rapport secret actant, de la part d’un cabinet précédent et coreligionnaire inclus, la guerre du Vietnam comme une gigantesque opération de « communication » destinée à  faire comprendre aux Soviétiques et aux Chinois qu’Oncle Sam n’a même pas besoin de lâcher des armes nucléaires pour se montrer implacable. Soit la conscience préalable d’un conflit ô combien dévastateur et assassin aux fins de prééminence planétaire. La colère et la honte du boss est sans aucun doute celle du progressiste et antimilitariste Aldrich, qui achève son film par une bouffée de pessimisme terminal (il est entre autre impossible de ne pas penser à l’assassinat de JFK) ouvrant les vannes à l’ère des Super-menteurs, des Super-escrocs, des holdings supranationales, de la paranoïa et de la régression culturelle.

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A remarquer pour finir que si le long-métrage, censé se dérouler en 1981 (hasard, l’avènement du reaganisme), fait allusion au militantisme armé de l’époque via une scène durant laquelle est évoquée la condamnation à mort d’un jeune homme noir ayant abattu un dictateur en visite aux USA, il aborde également de manière quasi souterraine le thème du syndrome post-traumatique puisque au moins deux protagonistes (Bell/Lancaster et le personnage joué par Jaeckel) sont visiblement des hommes obsédés et traumatisés par leur expérience d’ex-prisonnier de guerre en Asie.
Vous vous doutez bien qu’avec tout ça, L’Ultimatum des trois mercenaires, tout tripant à mater qu’il soit, n’est pas vraiment le délire fun de son remake inavoué, le The Rock de Michael Bay.

Laurent Hellebé

(1) il semble bien que le film ai connu une diffusion TV, sur Canal+, il y a quelques années. A ce sujet et plus largement sur le film et son parcours, lire l’excellente chronique parue sur le site DVD Classik

(*) Véridique

L’Ultimatum des trois mercenaires (Twilight’s Last Gleaming)
Réalisation : Robert Aldrich
Scénario : Ronald M. Cohen, Edward Huebsch, Walter Wager
Production : Merv Adelson & Helmut Jedele
Montage : Michael Luciano, William Martin, Maury Winetrobe
Photo : Robert B. Hauser
Musique : Jerry Goldsmith
Interprètes: Burt Lancaster, Richard Widmark, Charles Durning, Paul Winfield, Burt Young, Richard Jaeckel, William Smith, Joseph Cotten…
Origine: Etats-Unis
Editeur : Carlotta Films
Sortie : 6 novembre 2013

Une réflexion sur “« L’Ultimatum des trois mercenaires » de Robert Aldrich : Ceux qui vont mourir vous saluent

  1. L’autre remake inavoué c’est ETAT D’URGENCE / THE PEACEKEEPER (1997), premier long-métrage du Français Frédéric Forestier (ASTERIX AUX JEUX OLYMPIQUES, LE BOULET, LES PARRAINS, STARS 80) avec Dolph Lundgren, Roy Scheider et Michael Sarrazin.

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