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Pas vraiment gâté par les films projetés lors de la première moitié du festival, la soupe à la grimace des courageux spectateurs non accrédités bravant la pluie glacée puis la neige ne s’estompera que par intermittence avec les autres films en compétition. Une sélection de plus une plus contestable au fil des années et qui aura pris lors de cette édition une étrange tournure (on y reviendra lors du compte-rendu plus détaillé du hors-série spécial 20ème festival de Gérardmer à paraître).

Berberian Sound Studio de Peter Strickland est en tout cas de très loin la proposition de cinéma la plus intéressante en même temps qu’elle en est une des plus hermétiques. Au cœur des seventies, un ingénieur son est employé par un producteur italien de films d’horreur giallesques à tendance misogyne pour bruiter des images d’une extrême violence. Un univers bien éloigné de cet artisan (Toby Jones) aux allures de majordome anglais et dans lequel il va se perdre, mettant à mal sa santé mentale. Le réalisateur construit peu à peu une espèce de huis-clos aux frontières de la réalité et de l’écran de cinéma où les sons censés traduire le film projeté au professionnel, et non montré au spectateur, invoquent, suggèrent, d’autres images. De sorte que la déréliction mentale du personnage est quasiment partagée par les plus réceptifs, la désorientation étant superbement accentuée par les nombreuses idées de mise en scène construisant des espaces fantasmagoriques, au sein même d’un studio tout ce qu’il y a de plus banal et foisonnant, par un jeu de lumière, d’éclairage ou de cadrages. Hélas, même nourri des plus belles intentions, le métrage va commencer à tourner à vide, s’enfermant lui-même dans son postulat expérimental, refusant d’embrasser pleinement le genre et  éludant les confrontations potentielles pourtant mises en évidence. Dommage car pour une fois qu’un film s’intéressait à cette facette du métier particulièrement peu représentée et ici remarquablement cinégénique, le dernier tiers et la conclusion abandonnent le protagoniste principal, comme le spectateur, dans cette toile sonore.

"You're Next" d'Adam Wingard

« You’re Next » d’Adam Wingard

Se présentant comme un slasher basique, You’re Next d’Adam Wingard va bifurquer sur un étrange mash-up convoquant Festen, l’inquiétante étrangeté de tueurs en combinaisons noires et masques d’animaux, Maman j’ai raté l’avion et le survival avec révélation d’un personnage féminin fortement burné à la clé. La sauce a d’autant plus de mal à prendre que les personnages composant la famille se réunissant le temps d’un week-end sont taillés à la serpe. Leur arrivée dans l’immense demeure des parents, isolée comme il se doit, se fait au compte-goutte sans que rien d’intéressant ne se dégage de ces caractères stéréotypés. Vraiment gênant quand le repas est censé tourner au vinaigre à la manière du film de Vinterberg. Mais de toute façon, ce n’est qu’un vague prétexte pour contextualiser la tuerie à venir, le but du « jeu » étant de les décimer un à un. Cela commence par un tir de barrage à l’arbalète venant de l’extérieur et se poursuit à l’arme blanche à l’intérieur. Outre le peu d’inventivité ou de tension à dégager (les jumpscares paresseux et les parties de cache-cache ou d’attrape-moi si tu peux avec les tueurs n’aident pas), on peut déplorer la séquence pré-générique montrant les voisins se faire buter trois jours plus tôt ne se justifie que pour être plus tard le théâtre d’une exécution en règle et la caméra prise de panique et tremblements parkinsonien à partir du premier meurtre de l’un des convives, rendant la suite du récit un peu plus fatigante et pénible à suivre. Il faut l’émergence de l’étudiante frêle au premier abord mais qui se révèle être une adepte des camps de survie et commence à riposter salement après avoir pris le schoses en main au moment de l’hystérie collective (presque une tarte à la crème du genre tant ce type de personnage à tendance à se multiplier) pour rebooster l’ensemble. Il faut dire que la donzelle fait preuve d’une belle énergie et violence pour répliquer, suscitant un sursaut d’intérêt et des rires dans sa manière d’occire ses adversaires, en décalage avec le ton plus inquiétant (ou du moins censé l’être) du métrage. Les quelques répliques faisant mouche et un humour noir réjouissant finissant de transformer une expérience laborieuse en spectacle sympathiquement roublard et rigolard.

"Mama" d'Andres Muschietti

« Mama » d’Andres Muschietti

A la base un court-métrage de quasiment trois minutes apprécié par Guillermo Del Toro qui en a produit cette version étendue, Mama d’Andres Muschietti est une énième variation du film de fantôme espagnol qui a du mal à combler les trous narratifs de son développement. Dommage car l’introduction et la conclusion sont vraiment épatantes, parvenant à poser une ambiance inquiétante et mélancolique.
Deux gamines sont enlevées par leur père ruiné par la récente crise des subprimes et voulant les tuer par désespoir sont récupérées et élevées par le spectre d’une âme en peine. Retrouvées cinq ans plus tard par leur oncle, elles doivent réapprendre à vivre au contact des humains. Le principal enjeu du métrage est ainsi l’instinct maternel vivace ou en gestation qui animera le fantôme et la copine de l’oncle, interprétée par Jessica Chastain (en brune, bof), tentant de s’y astreindre. Malheureusement, l’opposition des relations de chacun de ces protagonistes féminins avec les petites filles ne sera pas assez percutante, laissant plutôt une bonne part de l’action régit par un classique récit de hantise. Particulièrement flippant lors de la découverte des gamines vivant recluses dans une maison abandonnée dans les bois le métrage est par la suite plombé par des jumpscares futiles, des personnages aux motivations accessoires qui n’imprimeront jamais vraiment leur patte sur l’histoire (la tante acariâtre, le psy, le frère disparu). Malgré tout, on ne peut s’empêcher de trouver un certain charme à cette œuvre modeste et dessinant de jolis moments macabres impliquant les deux petites filles, d’autant que l’on aboutit à un beau et émouvant final.

"The End" de jorge Terragrossa

« The End » de jorge Terragrossa

On termine la compétition avec The End de Jorge Terragrossa, point d’orgue d’une sélection extrêmement décevante et qui n’aura de fantastique que le nom. Ce film espagnol n’aborde le genre (on taira lequel pour ménager la « surprise ») que comme un prétexte à la peinture de caractères sans grandes consistances, un groupe d’amis se retrouvant, sous l’impulsion de l’un d’eux, pour évoquer bons souvenirs, passé douloureux et avenir en berne. Ils vont commencer à s’entredéchirer jusqu’à ce qu’un évènement étrange les plonge dans l’incertitude puis l’angoisse : coupure d’électricité généralisée et disparition mystérieuse de toute forme de vie humaine (ou presque) aux alentours. Il décident alors de s’enquérir d’une aide providentielle en partant à pied rejoindre le village le plus proche. Une immense balade qui s’apparente à une vidéo touristique pour inciter à venir en villégiature dans la région (nombreux plans sur les paysages magnifiques traversés) ponctuée des disparitions successives et inexplicables de tout le casting. Si l’intention de départ est louable et l’introduction pas désagréable, le problème majeur tient en un développement embrassant le genre avec des pincettes pour nous asséner en fin de parcours un discours sirupeux sur l’importance de vivre l’instant présent dans le regard de l’autre (et patati et patata). Une philosophie de bazar qui abaisse un peu plus le niveau de l’ensemble. A l’image de cette compétition au rabais.

Nicolas Zugasti

Bande-annonce de Berberian Sound Studio

Bande-annonce de Mama

Le court-métrage Mama à l’origine du film

Bande-annonce de You’re Next

Bande-annonce de The End

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