Quand on s’intéresse un tant soit peu au cinéma de genre, on a forcément croisé dans un livre ou une revue spécialisée le nom de Renato Polselli. Son Mostro dell’opera (L’orgie des vampires), que sort Artus Films en DVD, date de 1964. Autant dire que cela fait déjà quelques six ans que les Anglais de la Hammer ont réactivé le mythe du vampire. Les Mexicains eux-mêmes se sont attachés aux canines les plus célèbres de l’histoire à la même époque et l’on doit bien dire que le vampire de Polselli, incarné par Walter Brandi, est plus proche de ceux filmés par Fernando Mendez de l’autre côté du Rio Grande que de Christopher Lee.
Brandi s’est spécialisé dans le rôle du vampire. A l’époque de cette Orgie des vampires, il a déjà tourné L’amante del vampiro (du même Polselli) et Des filles pour un vampire (Piero Regnoli, disponible en DVD chez Artus Films) en 1960, Le massacre des vampires (Roberto Mauri) en 1962. On ne change pas une équipe qui gagne, dit-on souvent dans les milieux sportifs, et notre Renato n’a pas tardé à faire sienne cette maxime.
L’amante del vampiro, qu’est-ce que c’était ? Ecrite par Ernesto Gastaldi, Giuseppe Pellegrini et Polselli lui-même, l’histoire racontait comment un groupe de ballerines en petites tenues se retrouvait enfermé dans un château en proie à un vilain vampire et sa femme. Que raconte L’orgie des vampires ? Ecrite par Ernesto Gastaldi, Giuseppe Pellegrini et Polselli lui-même, l’histoire montre comment un groupe de danseuses en petites tenues se retrouve enfermé dans un château en proie à un vilain vampire et quelques-unes de ses femmes enchaînées dans une cave. Ce n’est quand même pas pareil.
Au-delà de ce qui pourrait passer, convenons-en, pour de la flemme scénaristique, les trois auteurs signent des séquences dignes de figurer dans quelque anthologie scabreuse : ainsi la pauvre fille qui se retrouve au milieu de femmes vampires enchaînées, ballottée de l’une à l’autre. Citons encore l’hystérie qui s’empare des danseuses, sous l’influence néfaste du vampire, et qui se mettent à galoper en tous sens, en nuisettes et petites culottes.
Si l’on met de côté Renato Polselli, Ernesto Gastaldi est le plus connu des trois scénaristes du film. Il a participé à l’écriture d’une centaine de productions dont la plus connue reste Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, mais aussi quelques perles gothiques telles que L’effroyable secret du Dr Hitchcock (1962 de Riccardo Freda), La vierge de Nuremberg (1963, d’Antonio Margheriti), Le corps et le fouet (1963 de Mario Bava) ou La sorcière sanglante (1964 de Margheriti), la mythique Île aux filles perdues de Paolella, plusieurs peplums (dont Sodome et Gomorrhe d’Aldrich), une quantité de westerns (dont Mon nom est personne et Un génie, deux associés, une cloche, deux films sur lesquels plane l’ombre du grand Leone), des gialli, des polars musclés, des imitations transalpines des grands succès américains (genre 2019 après la chute de New York de Sergio Martino en 1983), etc. Je ne peux m’empêcher de citer quelques-uns de mes préférés, qu’on pourrait qualifier de trilogie du vice : L’étrange vice de Mme Wardh (1971), Toutes les couleurs du vice (1972) et Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clef (1972), tous trois de Sergio Martino avec l’incomparable reine du genre, Edwige Fenech.
Ne nous attendons pas, malgré le titre français, à une quelconque orgie dans cette Orgie des vampires. De même que, malgré l’appellation contrôlée italienne, il n’y a pas vraiment d’opéra dans ce Mostro dell’opera. Tout au plus un vague théâtre mais sait-on jamais, imaginons qu’un amateur du Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux ou d’un des films qui en ont été adaptés soit attiré dans une salle, c’est toujours ça de gagné.
Aperçu sympathique de cette production fauchée italienne des années soixante qui tire sur tout ce qui bouge comme mythe attracteur de public (ici, du vampire à la petite culotte), L’orgie des vampires est un hors-d’œuvre digeste pour savourer le plat principal, Vierges pour le bourreau, que sort également Artus dans cette même collection gothique.
Jean-Charles Lemeunier
DVD disponible chez Artus Films depuis le 5 juin 2012