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La série Haven avait tout contre elle dès le départ: le nom de Stephen King qui n’a jamais réellement été garant de qualité hors du domaine de l’écriture (les seuls adaptations cinématographiques réussies devant plus à leurs réalisateurs et à leurs facultés à transcender le matériau d’origine pour le faire leur qu’aux romans de King eux-mêmes), la nouvelle sur laquelle elle se basait (Le kid de Colorado, exercice de style certes sympathique à lire mais des plus mineurs) et un développement et une extrapolation de cette intrigue qui compilait allègrement ses aînées (de Twin Peaks à X-Files, en passant par Lost et sa science de la mythologie et True Blood, et surtout non rien moins que la meilleure série du moment, Fringe – concept de départ quasi-similaires et personnages principaux identiques jusque dans leur physique, ici Audrey Parker (Emily Rose), là Olivia Dunham (Anna Torv), toutes deux agentes du FBI enquêtant sur d’étranges manifestations qui sont la résultante d’un dessein plus grand). Mais, au fil de sa courte première saison, Haven réussissait à faire naître un véritable intérêt et à s’achever sur un cliffhanger des plus réussis. Hélas, la saison 2 s’ouvre en réduisant très vite tout ceci à peau de chagrin, semblant vouloir ignorer le chemin qu’elle avait emprunté et parcouru lors des treize précédents épisodes. Le twist de la seconde Audrey Parker est expédié en moins de deux sans pour autant être véritablement résolu quand il aurait pu être un élément dramatique plus important comme la seconde Olivia Dunham peut l’être dans Fringe justement. Les rapports ambigus et houleux entre les trois personnages principaux sont carrément relégués au second plan alors qu’ils méritaient d’être explorés et exploités plus amplement afin de pouvoir prétendre à une véritable portée émotionnelle. Ainsi, tandis que Duke Crocker (Eric Balfour) se retrouve affublé d’une ex-femme envahissante et toute aussi roublarde que lui, Audrey Parker hérite d’un nouvel petit ami quand son cœur balançait entre Crocker et Nathan Wuornos (Lucas Bryant) lors de la saison précédente. Et si un trop plein d’idées ou plutôt d’ersatz d’idées tente de renforcer avec plus ou moins de brio le mystère entourant la ville de Haven et ses habitants, le tout est parfois trop artificiel voire malhonnête pour que l’on y croit réellement. Les situations ou personnages sont vite évacués lorsque les scénaristes semblent dans l’impasse et la série de tourner alors très vite à vide, les épisodes se déroulant inlassablement selon le même modèle. Un évènement surnaturel se produit, fruit de la manifestation exacerbé des sentiments d’un personnage infecté par les « troubles ». Audrey Parker étant la seule personne dans tout Haven immunisée contre ces évènements, elle va bien entendu résoudre l’enquête en un tour de main mais pas le mystère déclencheur de ces infections, pas le mystère entourant les troubles eux-mêmes, du moins pas encore. Quant au mystère du kid de Colorado, c’est à peine s’il est cité.

En dépit de ses quelques défauts, la série réserve cependant de bonnes surprises à commencer par l’interprétation qui permet de suivre les épisodes avec un réel plaisir. Outre les trois acteurs principaux, on notera le retour inattendu de Jason Priestley, acteur de la série Beverly Hills, 90210, qui, en prenant de l’âge et du poids, fait montre d’une véritable maturité bienvenue en campant ici le petit ami d’Audrey Parker, un personnage taciturne et râleur des plus convaincants victime d’une malédiction qui pousse tous ceux qui le regarde à être en extase devant lui (l’occasion pour les scénaristes de trousser quelques scènes réellement cocasses), malheureusement très vite « sacrifié » et effacé du show comme tous les nouveaux entrants de cette seconde saison. A noter également deux épisodes qui sortent du lot. Une journée sans fin (Audrey Parker’s Day Off) dans la veine d’Un Jour Sans Fin d’Harold Ramis et du méconnu téléfilm de Jack Sholder 12 :01 Prisonnier Du Temps (toujours inédit chez nous en DVD) et Douce Nuit (Silent Night), un épisode se déroulant hors de la trame principale tout à fait original et émouvant où Haven fête Noël… en plein été sans que cela ne paraisse étrange à quiconque si ce n’est à Audrey, et où tous les habitants disparaissent un par un jusqu’à ce qu’elle se retrouve seul… ou presque. Outre ses qualités scénaristiques, cet épisode s’avère également visuellement réussi en se permettant de citer rien moins que l’un des derniers romans de Stephen King, l’excellent Dôme. Quant à l’épisode final, il apporte enfin des réponses et même si son cliffhanger est moins impressionnant que le précédent, il n’en reste pas moins qu’il nous pousse à vouloir rempiler pour une troisième saison. Enfin, il convient de saluer les ambitions des créateurs de la série qui apparaissent plus clairement sur la fin de cette seconde saison et qui, si elles sont maitrisées, pourrait hisser Haven vers des cimes encore insoupçonnées. Car plutôt que de se baser seulement sur les écrits de King (quelques allusions sont placés ici et là, comme l’ouverture du premier épisode et sa référence à Ca), ils semblent vouloir plus arpenter l’univers de Clive Barker avec le personnage du révérend et la possible guerre qui menace d’éclater entre les victimes des « troubles » et les habitants non contaminés, une idée que Barker a souvent abordés dans son œuvre (se référer à son excellent film Cabal ou au magnifique roman Le royaume des devins) et qui porte en elle les prémisses d’une bataille plus importante, celle entre une frange de l’humanité (celle supposée normale) et sa relève dans l’échelle de l’évolution (celle vue comme anormale).

Au final, malgré des intrigues souvent répétitives, la série semble aller quelque part. Les évènements, ces fameux troubles, se répétant dans le temps, nos trois personnages principaux vont devoir eux aussi rejouer un air du passé malgré leurs réticences. Et c’est là que les choses deviennent réellement intéressantes. Haven se démarque enfin de Fringe quant à l’identité réelle et au rôle d’Audrey Parker, ainsi que quant à la destinée de Nathan et Crocker, l’un héros maudit et l’autre sa némésis. Tout deux vont être amené à devoir se battre, voire à devoir s’entretuer en entraînant Audrey dans la spirale, afin de terminer un travail commencé par leurs pères aujourd’hui décédés, et ce, malgré leurs réticences à vouloir assumer de tels rôles et malgré le fait qu’ils sont pourtant et contre tout tous devenus amis. A suivre donc.

Philippe Sartorelli.

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