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Un petit tour par l’ACID, sélection souvent oubliée des festivaliers, mais qui chaque année propose un regard exigeant sur la création du cinéma indépendant contemporain. L’an passé par exemple, Olivier Babinet et Fred Kihn y présentaient Robert Mitchum est mort (lire le Point de Vue dans Versus 21, et l’interview des réalisateurs sur ce blog, rubrique « brève rencontre »). Hier nos amis d’ED Distribution nous avaient invités à la projection de Putty Hill de l’Américain Matt Porterfield. Et nous n’avons pas regretté le déplacement !

Dans le quartier de Baltimore (nord-est des Etats-Unis) du même nom, Putty Hill suit le destin de plusieurs personnages tous affectés par la mort récente par overdose d’un jeune homme qui était au choix pour eux un frère, un ami, ou un parent. Le cinéaste dresse plusieurs tableaux successifs de ces personnes, qui évoluent seules ou en groupe, dans un environnement social et émotionnel défavorisé. Ces adolescents sont de proches parents de ceux filmés par Larry Clark dans ses films. Et d’ailleurs Porterfield a la très bonne idée, comme son illustre comparse, de ne pas porter de jugement sur les êtres qu’il filme, laissant le soin au spectateur de rentrer dans leur intimité et d’éprouver avec eux cette sensation du deuil, avec une justesse incroyable qui caractérise souvent les plus radicaux films indépendants américains, souvent tournés avec des comédiens non professionnels.

Putty Hill est un film mélancolique sur une génération dont on ne sait pas bien si elle est sacrifiée (sur l’autel des nombreux déboires que rencontrent leurs parents, qui semblent ici tous divorcés), ou si elle se sacrifie d’elle-même en « zonant » dans la nature, ou en ne recherchant la perfection que dans le skate ou le BMX, loin de se soucier d’une quelconque carrière professionnelle. À l’image de Larry Clark donc, Porterfield empile les unes après les autres de sublimes tranches de vie. Le tout, dans des tonalités différentes, passant d’une émouvante scène « musicale » à travers le morceau interprété à la guitare par une mère, à une séquence « dramatique » lorsque l’une des sœurs du disparu s’engueule avec son père qui ne s’occupe plus d’elle depuis des années, et qui a abandonné les siens.

La frontière docu / fiction est d’ailleurs remise en cause lorsque l’on entend la voix du réalisateur interpeller directement les personnages, leur demandant de revenir sur la relation qu’ils entretenaient avec le défunt. Porterfield tire une essence terriblement cinématographique d’un sujet qui confine au fait-divers comme il s’en passe des centaines dans les banlieues défavorisées des villes des pays occidentaux. Son métrage est porté par un ardent désir de vérité, qui devient gracieux et merveilleux au fil que le récit tend vers la séquence (presque) finale des funérailles, qui dans toute sa sobriété (deux trois discours, et un karaoké pour tourner la page), fait mouche en nous émouvant profondément.

Putty Hill (qui devrait sortir fin Août) est de ces films américains qui semblent ne pas payer de mine, mais qui pourtant contiennent en leur sein beaucoup plus de vie que la plupart des productions traditionnelles. Surtout, Porterfield respecte l’intelligence du spectateur en lui laissant le soin de porter ou non un jugement sur le comportement des personnages. Quand l’absence de morale devient la source d’une justesse cinématographique aussi incroyable, on ne peut que s’incliner devant ce « petit » film aux très grandes valeurs.

Julien Hairault

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