Les vampires et le genre fantastique pour adolescents ont décidément la cote ; on se surprendrait même à parler de « harrypotterisation » aiguë à l’approche des fêtes, si l’effet Twilight n’était pas encore plus évident. De fait, il s’agit pour les majors de se faire la guerre du box-office à travers les adaptations de best-sellers d’horreur pour jeune lectorat, et si possible mettant en scène des magiciens, des vampires, des loups-garous, des sorciers – ou tout à la fois. Warner pour Potter, la Fox pour Twilight, et quid d’Universal, studio attitré des projections monstrueuses – cultes pour celles de l’âge d’or ? Ne cherchez plus, la compagnie sort aujourd’hui même un opportuniste mais généreux métrage intitulé L’Assistant du vampire, premier épisode d’un cycle d’abord romanesque initialement paru en France sous le nom Cirque du freak, et présenté désormais dans une nouvelle traduction avec l’appellation Darren Shan, L’Assistant du vampire. Darren Shan, c’est aussi le nom de l’auteur britannique du cycle en question (initié en 2000) ; malin, l’homme écrivit le livre (très signifiant et en gros caractères, sans aucun génie stylistique mais disons… divertissant, comme les Harry Potter) à la première personne, créant ainsi une proximité de premier plan avec ses lecteurs. Le premier tome relatait l’étrange aventure d’un adolescent passionné par les araignées et devenu vampire pour sauver la vie de son meilleur ami (lequel deviendra vite son meilleur ennemi !). Succès immédiat (loué par J. K. Rowling, nous dit-on) pour Shan l’auteur et Shan le personnage. Douze opus au final publiés dans 37 pays, un humour grinçant, un univers volontiers teinté d’épouvante à l’ancienne jouant avec les répulsions et les phobies, basé sur une horreur atténuée mais notable : ce « cirque » attire à lui les foules. Contrairement aux fadaises romantico-cucul de Stephenie Meyer cuisinées à la sauce mormonne, les aventures de Shan, même si elles ne relèvent pas le niveau, ni littéraire, ni de l’imaginaire général du genre vampirique, procurent au moins quelques sensations fortes aux 10-12 ans. Il n’était donc pas complètement inutile de transposer sur grand écran pareils histoires et protagonistes.
Scénarisé entre autres par Brian Helgeland, L’Assistant du vampire ne brille pas par la profondeur de son script. Les enjeux sont pensés pour un public n’excédant pas les 13-14 ans (et encore), et tout va très vite dans la mise en place de l’intrigue et le manichéisme schématique de l’histoire. Cela n’a rien de problématique quand on sait d’où vient le projet, mais l’imagerie de Paul Weitz, assez sophistiquée dans ses effets, ne s’accommode pas toujours très bien de cette simplicité narrative. D’où une étrangeté constante (il y a pire défaut), une double identité du métrage qui cultive l’esthétique « film de monstres » (bonne première partie avec ce cirque de freaks original et renvoyant directement à l’épouvante d’antan, les sfx numériques en plus), accolée au teen-spleen-movie bien chichiteux avouons-le : on ne mord pas dans le cou mais on griffe le bout des doigts pour échanger le sang lors du rituel de transformation ; et les deux copains d’enfance se chamaillent avec une pointe de « dragonball-zèderie » dans la séquence finale, sous le prétexte un peu léger que l’un « a volé le rêve de l’autre ».
L’Assistant du vampire n’échappe donc pas à sa condition mercantile et superficielle, un produit estampillé jeunes amateurs d’horreur heureusement pas si proprette que ça : l’ambiance est volontiers gothique, dérangeante sur le physique des membres du cirque, et le film s’ouvre sur la mise en bière d’un héros qui n’a aux yeux de la société définitivement pas l’âge requis pour le trépas. Une pointe de noirceur dans un univers qui se prend quand même un peu trop au sérieux et qui oublie de s’amuser au demeurant, tout l’inverse par exemple d’un Coraline aussi acidulé que sombre, aussi profond qu’enchanté. Reste une photo signée James Muro, opérateur passé chez Cameron, Mann, Reiner et on en passe, une production dirigée par la dame de fer hollywoodienne Lauren Shuler Donner, et une musique singeant Danny Elfman sur un générique qui rappelle les blockbusters super-héroïques de ces dernières années. Que viennent faire John C. Reilly, Salma Hayek (en femme à barbe !), et Willem Dafoe (en mode « Vincent Price des ténèbres ») dans l’entreprise ? La question se pose au départ et, finalement, même si le film perd de son entrain au bout de quarante minutes, le spectateur se dit que ce casting de qualité y met tellement de cœur et d’enthousiasme qu’il s’impose comme la BA de l’année pour faire plaisir aux ados addicts de l’horreur gentillette. Mais bon, juste une fois dans l’année, pas plus !
Stéphane Ledien
> Film sorti en salles le 2 décembre 2009
> Lire aussi notre dossier sur le renouveau des films d’horreur dans VERSUS n° 9.