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affiche du film

Figure de proue d’un cinéma américain qui donne encore sa légitimité à l’étiquette « indépendante » pourtant en pleine perte de sens (il faut dire que l’adjectif ne veut plus dire grand-chose s’agissant des films US, car derrière des petits studios de genre se cachent souvent des majors-rouleaux compresseurs), John Sayles n’aura pas déchaîné l’enthousiasme des distributeurs français avec son quinzième long-métrage réalisé en 2004, et projeté sur nos écrans… cet été, donc avec cinq ans de retard. Depuis, l’homme a sorti Honeydripper (2007) avec Danny Glover, inédit chez nous (ben voyons), et co-signé le scénario des Chroniques de Spiderwick de Mark Waters, tout en s’offrant quelques apparitions sympathiques, notamment Dans la brume électrique de Tavernier. Handicapé par sa projection plus que tardive (le mot péremption nous vient même à l’esprit, un comble), Silver City pose la question de l’ancrage absolu du cinéma dans l’actualité ponctuelle de son moment de production et d’exploitation. Un ancrage qui privilégie l’impact mais exclut toute longévité idéologique, sauf à accepter qu’elle soit soluble dans le temps (et le film avec).

Voilà donc l’exemple type du film trop contextuel pour s’inscrire dans la durée, en tout cas d’un strict point de vue pamphlétaire. En se focalisant sur les dessous crapuleux de la campagne électorale d’un candidat « fils de » et benêt (toute ressemblance dynastique avec George W. Bush est plus qu’appuyée) au poste de gouverneur de l’Etat du Colorado, Sayles choisit de mettre les pieds dans le plat de la colère, d’alerter les consciences en pointant du doigt les dangers (sociaux et surtout environnementaux) du pouvoir bushien. Inculte, inapte, écrasé par l’ombre de son père riche popriétaire et industriel aussi protectionniste que puritain, Dickie Pilager le futur sénateur (Chris Cooper) renvoie sans aucun doute à l’incapacité notoire de George « W ». La peinture rance de son entourage politique ne vaut surtout que par l’interprétation de Richard Dreyfuss, en Directeur de Campagne retors, et qui retrouve ici l’esprit du Dick Cheney qu’il incarnait dans W. d’Oliver Stone. Le reste du casting attire la sympathie du spectateur, du beau monde d’ailleurs qui rend très crédible ces rapports humains éprouvés par les sentiments (Maria Bello), l’intégrité professionnelle mais sociopathe (Tim Roth en webmaster de site d’info underground), la rivalité amoureuse (Billy Zane), les histoires de famille (Daryl Hannah – le retour ?), l’extrêmisme (Miguel Ferrer en dangereux démagogue)…

Au-delà de cette caricature réchauffée maintenant que Jr. a quitté la Maison Blanche, Sayles introduit dans son métrage l’idée d’une paranoïa grandissante, intrigue autrement plus nerveuse et dédiée à l’enquête que mène l’ancien journaliste d’investigation reconverti dans la détection privée, Danny O’Brien (Danny Huston, épatant). Problème : Sayles souffle constamment le chaud de cette tension politique de plus en plus palpable et le froid de sa dénonciation cynique décrite ci-avant mais qui tire à blanc a posteriori. Les interventions parallèles d’un détective amateur latino que Danny O’Brien embauche pour le seconder, le monde interlope et ouvrier que fréquente le même O’Brien en menant ses recherches constituent autant d’incursions réjouissantes dans un univers que le réalisateur maîtrise mieux que le pamphlet pur et dur.
Pour du film noir à conscience sociale, Sayles fera toujours l’affaire ; pour de l’offensive politique façon Starship Troopers, non. Surtout quand le film a valeur de discours de répression de la politique des Bush mais qu’il est diffusé après la bataille : électorale, écologique, humaine.
Bref, si l’adage veut que pour visionner un bon film, de surcroît un John Sayles, « mieux vaut tard que jamais », pour une fois il ne se vérifiera pas. Silver City est un film à l’intérêt anachronique. Et l’on regrettera, en passant, qu’aucun distributeur français n’ait eu les couilles, les tripes, l’idée (un comble…) d’en acquérir les droits quand le jeu en valait la chandelle politique.

> Sorti en salles en France le 22 juillet 2009.

Stéphane Ledien



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