C’est un fait, le constat de l’action nocive de l’homme sur la nature ne date pas d’hier. On en trouvera ainsi un bon exemple dans ce Long Weekend de l’Australien Colin Eggleston, un film de 1977 que Le Chat qui fume a eu la bonne idée de ressortir en Blu-ray. Il est bien entendu ici question du film d’origine et non du remake de 2008 de Jamie Banks, avec Jim Claviezel.

Nous sommes en présence d’un couple en crise, Marcia (Briony Behets) et Peter (John Hargreaves). Peter a décidé de profiter d’un long week-end pour amener sa femme sur une de ces belles plages australiennes, sauvages et désertes. Marcia, qui déclare son horreur de la nature, préfèrerait aller passer ces quelques jours chez des amis où ils sont attendus. Mais Peter ne transige pas, ils iront camper à Moonda Beach, coin paumé s’il en est.

Tout au long du récit, Eggleston et son scénariste Everett De Roche planteront quelques graines dont certaines pousseront et d’autres pas. Il sera ainsi question, lors d’un communiqué à la radio, de cacatoès qui se sont mis à attaquer des maisons. Question encore d’un bar de bouseux où le couple s’arrête faire des achats, bouseux qui se mettront derrière la vitre pour les regarder partir. Il y aura encore, sur la plage déserte où Marcia et Peter aboutissent après quelques déboires, un camping-car isolé dont on ne sait qui y habite.

Une fois placés tous ces éléments, il suffit aux auteurs d’avancer quelques pions, d’en retenir d’autres. Quoi qu’il en soit, la partie est pour eux d’avance dans la poche car nous, spectateurs sensibles à la moindre alerte, nous nous mettons à imaginer le pire quoi qu’il arrive. Il faut encore parler d’un troisième personnage tout aussi important, une maman lamantin — ou dugong, qui va donner son nom à la production du film —, énorme tas de chair au visage quasi humain. On les appelle aussi des sirènes, tant les Anciens ont cru, en les voyant, qu’il s’agissait des fameuses habitantes des mers. D’autant plus que ces énormes bestioles sont capables de lamentations aux sons desquelles le plus futé des Ulysse se serait laissé prendre.
Long Weekend réussit là où pas mal de films fantastiques échouent. Rien n’est ici horrifique, tout est seulement étrange. Rien ne vous fera dresser les cheveux sur la tête, tout sera extrêmement perturbant. Et le film vous met dans une drôle de situation. Les deux individus qui se baladent sur cette plage magnifique sont assez détestables : ils salissent, polluent, sont égoïstes, suffisants et ne détruisent que pour le plaisir de détruire. D’un autre côté, ils sont malgré tout humains et l’on espère que, bon an mal an, ils vont se sortir de la situation dans laquelle ils se sont inextricablement engloutis.

Disons encore que Colin Eggleston maîtrise la mise en scène et s’amuse en créant des effets, tels ces yeux qui, le plan suivant, se transforment en phares. Ou encore cette forme sombre dans l’eau lorsque Peter se baigne. Ou encore cette poupée Barbie découverte sur la plage, couverte de varech, dont l’image renvoie à celle de Marcia prenant le soleil. Eggleston filme la nature en très gros plans, la rend sinon inquiétante en tout cas autonome et capable de se défendre. Il ne nous laisse aucune alternative et l’on suit avec beaucoup d’attention, d’appréhension, l’histoire de ce couple en bisbille qui se cherche, se trouve et se perd à nouveau.
Curieusement, la défense de la nature — puisqu’il est ici question de cela — se double dans le film d’une dimension que l’on qualifiera aujourd’hui de réactionnaire. Le couple évoque un avortement, qu’Eggleston semble placer sur le même plan que le manque de respect de l’homme envers la nature. Sur ce dernier point, le message est davantage sujet à discussions. On préfèrera de beaucoup tous les signes parsemés ici ou là, parfois discrètement parfois plus frontalement, du mépris de l’homme envers les animaux et leur environnement. Et l’on applaudira des deux mains leur condamnation explicite.

Un mot encore sur l’Ozploitation, ces films d’exploitation réalisés en Australie dans les années 70 et 80, sur lesquels Éric Peretti nous renseigne si qualitativement dans les bonus. À part quelques-uns — outre les Mad Max, on peut également citer Wake in Fright alias Outback, Patrick, Razorback ou Harlequin —, ils restent totalement inconnus sous nos latitudes et c’est bien dommage. Le Chat qui fume nous avait déjà gratifiés de quelques titres intéressants, tels Fair Game ou Next of Kin. Raisons de plus pour se précipiter sur ce Long Weekend.
Jean-Charles Lemeunier
Long Weekend
Année : 1978
Origine : Australie
Réal. : Colin Eggleston
Scén. : Everett De Roche
Photo : Vincent Monton
Musique : Michael Carlos
Montage : Brian Kavanagh
Durée : 97 min
Avec John Hargreaves, Briony Behets, Mike McEwen, Roy Day, Michael Aitkens, le chien Cricket…
Sortie en Blu-ray par Le Chat qui fume en décembre 2020.