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N’est-il pas normal qu’un art pour lequel on a dressé des autels possède ses propres anges ? Un de ceux-là, les cheveux abondants sur le cou, est replet comme l’était déjà avant lui Henri Langlois. Dont Jean Douchet — puisqu’il est question de lui dans ce documentaire sous-titré L’enfant agité et qui sort en salles ce 24 janvier — peut réclamer la filiation.

Tout est justement question de filiation dans la cinéphilie et Fabien Hagège, Guillaume Namur et Vincent Haasser, les trois étudiants qui signent Jean Douchet, l’enfant agité écoutent sagement ce docte père de cinéma. Un père qui, parfois, peut hausser les épaules quand il s’aperçoit que les gamins qui s’intéressent à lui ne connaissent pas tel film. Alors, il va falloir qu’il les éduque un peu plus. Et ce film prend soudain les allures d’un hommage rendu par trois enfants à un maître et à un père de substitution tout autant que celles d’un parcours éducatif et initiatique que Jean Douchet va leur — et nous — rendre en retour.

 

 

Car la qualité première de Douchet est la transmission. Il va donc transmettre sa passion grâce à, comme il l’appelle lui-même, ce « don de l’oralité et du contact ». Et quiconque a vu un jour le critique parler de cinéma — que ce soit de Hitchcock, Mizoguchi, Buñuel ou d’un autre grand cinéaste — sait de quoi il est question ici. « Il nous apprend à aimer » dit encore Thomas Rosso, le programmateur du ciné-club que Jean Douchet anime au Panthéon.

Cet ange gardien du cinéma d’auteur, vagabond parce qu’il parcourt la France et les festivals pour présenter des œuvres, va donc tout au long du film parler de ce qui a fait sa vie et des rencontres qui l’ont nourri, à travers des revues telles que Arts et Les Cahiers du cinéma. Et le film devient, à travers lui, une balade dans le Cinéma et la Culture, avec deux grands C. Ainsi en est-il de ce voyage à Bologne, au festival de l’Image retrouvée, où Douchet se rend accompagné de ses trois jeunes acolytes. Il leur montre des films et leur fait rencontrer quelques membres de cette grande famille — tel Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière à Lyon et délégué général du festival de Cannes — qui, comme lui, passent leurs jours et leurs nuits à adorer ce dieu vivant qu’est le cinéma. C’est leur univers, qu’ils partagent généreusement. Mais les bandes de celluloïd ne sont pas le seul intérêt de Jean Douchet. Il n’est qu’à le voir poser un regard gourmand sur ces magnifiques façades italiennes et les désigner à l’appréciation de Fabien Hagège, Guillaume Namur et Vincent Haasser.

 

 

Lié aux grands noms de la cinéphilie, Douchet est accompagné dans le film par les images d’archives d’Henri Langlois, Éric Rohmer, Jean-Luc Godard ou Claude Chabrol. D’autres (Costa-Gavras, Barbet Schroeder, Arnaud Desplechin, Noémie Lvovsky, Saïd Ben Saïd, Xavier Beauvois…) vont directement lui rendre hommage face caméra. Desplechin et Lvovsky insistent sur « l’écoute de la jeunesse » dont fait preuve Douchet. Parce que Desplechin lui avait parlé de Brian De Palma, que le critique ne connaissait pas encore très bien, Douchet a remplacé, lors d’un cours donné à l’IDHEC, un film de Mizoguchi par un autre du cinéaste américain pour que tous, maître et étudiants, puissent le voir ensemble et en discuter. Xavier Beauvois est encore plus proche, qui avoue considérer Douchet comme un père. « La perfection dans une histoire d’amitié », conclut-il pudiquement.

Directeur de la cinémathèque de Bourgogne qui porte le nom de Jean Douchet, Nicolas Petiot va encore plus loin : « Jean est comme Chaplin dans Les temps modernes : un type en perpétuel mouvement que la société essaie de fixer. »

Jean Douchet, l’enfant agité n’essaie surtout pas de fixer le critique. L’hommage se fait itinérant, bouscule la chronologie et s’attache à ce diable d’homme, cinéaste ses heures — ce dont il parle très modestement — qui, comme le souligne un des intervenants, « nous apprend à mieux voir, à mieux vivre ».

Jean-Charles Lemeunier

Jean Douchet, l’enfant agité
Année: 2017
Origine : France
Réal. : Fabien Hagège, Guillaume Namur et Vincent Haasser
Photo : Amine Berrada
Montage : Nicolas Ripoche
Musique : Arthur Daraine Andrianaivo
Avec Jean Douchet, Xavier Beauvois, Arnaud Desplechin, Noémie Lvovsky, Costa-Gavras, Barbet Schroeder, Saïd Ben Saïd, Thierry Frémaux, Thomas Rosso, Nicolas Petiot…
Durée : 1h25
Distribution : Carlotta Films
Sortie en salles le 24 janvier 2017.

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