Inévitablement empreint d’une touche eighties de par la présence même de Chouarzizi et inscrit dans un air à la mode (le revival plus ou moins assumé de la période précitée), Sabotage s’avère un film hybride. Brutal, sanglant, d’un gore sawien, glauque à souhait, il mixe comme rarement un scénario de whodunit nébuleux parfois incohérent contenant une surdose de manipulations qu’aurait pu signer un David Mamet en mode « je dois du fric au fisc » et le film de commando post Tony Scott. Mais nous ne sommes là ni dans Domino (pour certains looks et comportements), ni dans Basic (avec son air de pilote pour un Mission : impossible next generation), ni dans la série The Unit (oui mon petit, tu peux vomir à cette évocation, y a pas de honte), ni dans un paquet d’autres trucs type Expendables. Vulgaire, cynique, amoral et con, ce long-métrage partant dans moult directions tel un poulet décapité (enquête interne, braquage, guerre contre la drogue, corruption active post The Shield, opérations commando militaro-policière, horreur de méthodes d’assassinats des cartels mexicains…) se laisse cependant voir sans spécialement avoir envie d’aller à la cuisine tourner la soupe. Peut-être pour l’incongruité d’un mélange de différentes catégories cinématographiques, tentative aussi louable que foirée, peut-être pour quelques moments de mise en scène et de montage des plus adroits (comme l’arrivée de Breacher/Arnold et de la fliquette à la maison dans les bois), peut-être pour la fascination/répulsion à l’égard de cette équipe de tueurs de la DEA composée de membres tous plus beaufs tu meurs les uns que les autres et qui se croient en même temps dans Navy Seals et Son of Anarchy. Que le film ai indubitablement été remodelé ici et là pour contenter les producteurs, les distributeurs et un public considéré comme bovin, ne fait aucun doute.
Bide retentissant malgré un budget moyen de 35 millions de dollars, Sabotage ne vaut que pour l’acceptation par Arnold Schwarzenegger du rôle le plus négatif de sa carrière, celui d’un super-agent fédéral traumatisé, psychologiquement douteux, nihiliste le cerveau nécrosé par une colère froide. Réalisateur et/ou scénariste d’une bonne poignée d’excellents (voire plus) polars, Ayer n’y va pas avec le dos de la cuillère, à l’image de l’actrice (Mireille Enos) interprétant le membre féminin du groupe, une hystérique allumeuse et junkie (ce qui, en sus d’un chef de groupe de 65 ans, contrebalance salement le comportement tactiquement réaliste des tueurs assermentés en pleine action) : la plupart des personnages sont antipathiques, bêtes à manger du foin, vénaux ou pourris, parfois tout cela à la fois. Et Breacher en est le chef. Et donc le pire d’entre eux, ou peu s’en faut. Pour preuve supplémentaire, dans les bonus, en sus de saynètes qui montrent à quel point le duo de flics est sacrifié sur l’autel du cinéma gameplay, l’extraordinaire (double) fin initiale, remplacée par une scène sentant le rajout « rassurant » évoquant plus un Walter Hill (que j’adore, hein, d’accord ?) période Extrême préjudice qu’un Michael Mann sur lequel le réalisateur semble vouloir occasionnellement s’aligner. Cette conclusion alternative aurait fait de Sabotage, en sus d’une œuvre déjà foutraque limite psychotronique, une monstruosité jusqu’au-boutiste marquant la rencontre des univers de Steven Seagal et de James Ellroy. Vous l’aurez compris, en l’état, la chose reste aussi divertissante que détestable. A voir absolument, donc.
Laurent Hellebé
SABOTAGE
Réalisateur : David Ayer
Scénario : David Ayer & Skip Woods
Interprètes : Arnold Schwarzenegger, Sam Worthington, Josh Holloway, Mireille Enos …
Photo : Bruce McCleery
Montage : Dody Dorn
Bande originale : David Sardy
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h49
Sortie française : 28 mars 2014