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Couple improbable s’il en est, Michèle Morgan et Jean-Louis Trintignant tombent amoureux dans Les pas perdus (1964, de Jacques Robin). Pourquoi improbable ? Parce que la belle Michèle a été tenue dans les bras de Jean Gabin, de Gérard Philipe, de Henri Vidal, des poids lourds du cinéma français, et que, en ce début d’années soixante, Jean-Louis Trintignant, lui-même futur poids lourd, fait office de jeunot aux côtés de la dame. Certes, il a lui-même câliné Bardot sept ans auparavant dans le mythique Et Dieu créa la femme mais, on l’admettra, ce n’est pas tout à fait comparable à tous les grands succès de Morgan.

C’est d’ailleurs par une réminiscence de Gabin et de son fameux dialogue signé Jacques Prévert que démarre l’idylle dans Les pas perdus. Trintignant parle en effet immédiatement des yeux de Morgan. Qu’elle a beaux, on sait. Ici, cela devient : « Vos yeux ressemblent à de la paille de fer à laquelle on voudrait se frotter ». Cela a beau être du René Fallet, ça sonne quand même moins fort.

Premier film de Jacques Robin, qui a démarré sa carrière comme chef opérateur, Les pas perdus est tiré d’un roman de René Fallet. L’auteur du Beaujolais nouveau est arrivé fait une apparition remarquée dans le rôle d’un bistrotier, ce qui n’étonnera pas ceux qui sont familiers de l’univers de cet ami de Brassens. Autre apparition mémorable : celle de Jean Carmet en copain de Trintignant.

Au-delà de la belle histoire d’amour, on prendra un plaisir certain à voir retranscrit le Paris de l’époque (la Nouvelle Vague est passée par là), un Paris qui a bien sûr disparu, avec cette différence appuyée entre une banlieue tranquille (Le Vésinet) et l’affluence de la gare Saint-Lazare (dont la salle des pas perdus donne son titre au film). Intérêt également de voir mentionnés des métiers engloutis depuis par la modernité, tel celui qui occupe Trintignant : peindre des affiches de films.

La salle des pas perdus de la gare Saint-Lazare est donc le noeud du récit. C’est un lieu de rencontre. C’est là que les gens s’attendent, s’épient, se draguent (et l’on pense évidemment aux Dragueurs de Mocky, tourné six ans plus tôt, où les chasseurs guettaient leurs proies dans un lieu qui ressemblait un peu à cette salle des pas perdus, les galeries du Lido).

Ce qui est important dans ces Pas perdus, c’est que jamais Robin ne met l’accent sur les fossés qui pourraient séparer Morgan et Trintignant : différence d’âge, différence sociale. Il les effleure, semblant insister sur le fait que l’amour est capable de franchir de nombreux obstacles. Près de cinquante après, Les pas perdus a gardé toute sa fraîcheur et ce film méconnu est une heureuse surprise.

Jean-Charles Lemeunier

Sortie en DVD le 18 février 2013

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