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On connaît la propension d’Hollywood de « remaker » à tout va ses propres succès mais surtout ceux étrangers pour mieux les absorber, de même que celle indienne (moins connue mais tout de même avérée) adaptant à la sauce Bollywood les blockbusters ricains, et voilà que la fièvre duplicative s’empare de la Corée du Sud puisque sort en direct to DVD A Better Tomorrow, remake du Syndicat du crime de John Woo qui reprend ici, même pour le marché français, le titre anglais original beaucoup plus évocateur. Un produit immédiatement intriguant, à défaut d’être excitant, d’autant que l’on retrouve en tant que producteurs les deux complices John Woo et Terence Chang, initiateurs (avec Tsui Hark) de la célèbre saga.  De prime abord, ce film de 2011 laisse pour le moins dubitatif et sa vision ne fera qu’entériner une appréhension légitime. Si encore, comme l’original de 1986, le film de Song Hae-sung avait permis de révéler l’immense talent du réalisateur et le charisme de ses interprètes, on aurait alors beaucoup pardonné. Malheureusement, on se retrouve avec un succédané insipide bien que d’honnête facture. Non seulement ce remake conserve la structure narrative principale, à l’époque parfaitement adaptée au milieu criminel exploré (un triangle de trois frères naturels et métaphoriques confrontés à une puissante triade) mais les scènes d’action ne dévient pas d’un iota du sillon tracé par leurs aînées (elles n’en sont pas un décalque mais sont clairement sous influence, voire plus pour le climax sur les docks) sans pourtant en retrouver la puissance opératique. Bien sûr, on ne s’attendait pas à retrouver le génie visuel de Woo mais si la forme ne manque pas d’application (la mise en scène est tout de même bien emballée : on n’est pas chez les épileptique parkinsoniens Neveldine/Taylor ou Michael Bay), elle est sans âme, dévitalisée.

Et pour mesurer le gouffre qui les sépare, il n’y a qu’à comparer les deux versions du personnage de Mark, interprété, il y a vingt six ans par Chow Yun-fat, ici particulièrement peu charismatique. Difficile, impossible même ( !) d’égaler la flamboyance du hongkongais mais alors il aurait mieux valu ne pas se risquer à reprendre mimiques et postures bien connues, accessoires iconiques à l’appui. Et puis, reprendre une histoire déjà et mieux racontée et avec plus de concision (le remake dure deux heures quand son modèle affichait pratiquement une demi-heure de moins au compteur) exposait d’emblée l’entreprise à une dépréciation de rigueur, surtout lorsqu’elle est incapable de renouer avec la nostalgie et la mélancolie de l’original (et contenues dans le remarquable titre anglo-saxon de A Better Tomorrow, un meilleur lendemain, comme une promesse) et encore moins ce mélange détonnant de film de gangster et de western à l’esprit chevaleresque. On comprend ce qui a pu engendrer l’attraction pour cette histoire, l’universalité et les archétypes qu’elle déploie (un flic s’opposant à son frère gangster en plein repenti avec au centre le frère d’arme mafieux de ce dernier) permet de plaquer des particularités politiques et culturelles, avec en premier lieu la séparation des deux Corée, évidemment. Ainsi, le tourment des deux frangins est agrémenté par la séparation forcée au moment de leur fuite de Corée du Nord pour venir se réfugier en compagnie de leur mère en Corée du Sud. L’aîné parvient à échapper seul à la police à la frontière en abandonnant ce qu’il restait de sa famille.

Bien que le film de Song Hae-sung développe, presque à outrance, le côté mélodramatique de cette histoire, jamais on ne sentira véritablement peser sur le récit le poids de ce traumatisme originel qui ne sera d’ailleurs rapidement évoqué (évacué, presque) au détour d’un échange verbal. Le film de John Woo aussi, sous ses atours violents et parfois grandiloquents, n’était finalement rien d’autre qu’un mélodrame, d’action certes, mais il se montrait beaucoup plus équilibré dans le partage des tonalités imprimant le métrage. Surtout, avec un récit plus ramassé, mieux rythmé, la tension dramatique opérait alors un véritable crescendo ici quasiment absent à force de dilution. On devine bien la volonté du coréen d’avoir voulu agrémenter ce remake de considérations plus intimes et politiques lorgnant vers le remarquable Une Balle dans la tête du même Woo mais le résultat, bien que pas déméritant si tant est que l’on parvienne à faire abstraction du modèle, est loin de former un spectacle aussi habile que les œuvres prises pour cible.

Nicolas Zugasti

A Better Tomorrow est disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 4 juillet 2012 – édité et distribué par TF1 Vidéo

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