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S’il ne fallait retenir qu’une chose de Devil Girl from Mars (La Martienne diabolique de David MacDonald, 1954), ce serait bien sûr la silhouette de son actrice principale, Patricia Laffan. Hiératique, vêtue de cuir noir, imperturbablement méchante, elle est cette Martienne qui, fraîchement débarquée de sa soucoupe, parle d’enlever un Terrien et de détruire la planète entière.

Ce film de science-fiction britannique est un peu le chaînon manquant entre ce qui se faisait outre-Manche dans les années trente (l’étonnant Things to Come, écrit par H.G. Wells) et ce qui démarrera quelques années plus tard sous l’égide de la Hammer (la série des Quatermass). A ceci près que Patricia Laffan apporte à La Martienne diabolique ce que n’avait pas Things to Come et n’aura pas Quartermass Xperiment : une dimension sexuelle certaine, mâtinée de SM. Car Nyah, le personnage qu’interprète Patricia, n’a pas que la parure de la dominatrice, elle l’est totalement.

La Martienne diabolique est un film statique et ce n’est pas dans ses péripéties qu’il faut chercher la fascination qu’il peut exercer aujourd’hui. Il se déroule dans une auberge de la campagne écossaise, lointain écho des 39 marches de Hitchcock. Dans ce huis-clos s’agitent plusieurs personnages stéréotypés : les patrons de l’auberge, elle radine et lui porté sur la boisson alcoolisée (Sophie Stewart et John Laurie, justement l’un des interprètes du film de Hitchcock). La sémillante employée de l’auberge est incarnée par Adrienne Corri. Remarquée dans Le fleuve de Renoir, elle sera, vingt ans après, la femme violée dans Orange mécanique de Kubrick. Son amoureux (Peter Reynolds), plutôt brave type, est recherché par la police. La belle Hazel Court joue un mannequin réfugiée ici pour se cacher d’une déception amoureuse. Après quelques films d’horreur tournés dans son pays natal, quelques-uns signés par Terence Fisher, elle fera une escapade hollywoodienne le temps de s’inscrire aux génériques de trois films du cycle Edgar Poe, réalisés par Roger Corman.

Il y a encore un vieux professeur (Joseph Tomelty) débarqué là à la recherche de météorites, flanqué d’un journaliste beau gosse, séducteur, donnant facilement le coup de poing comme le sont tous les journalistes et parfois les critiques de cinéma (Hugh McDermott).

Contrairement aux films américains de la même époque, les extraterrestres ne symbolisent pas ici les communistes. Il existe toutefois une parenté certaine avec The Day the Earth Stood Still (Le jour où la Terre s’arrêta, Robert Wise, 1951), non pas pour le message (en pleine guerre froide, Wise ne signe pas un film anticommuniste) mais pour certains éléments : la soucoupe volante, un seul occupant humain (anglais, nez long, imperturbable), un robot. Parlons-en, du robot ! Celui de La Martienne diabolique fait sourire. Reconnaissons malgré tout qu’il arrive deux ans avant le fameux Robby de Forbidden Planet (Planète interdite de Fred McLeod Wilcox, 1956).

Sur Mars, explique Nyah, les hommes et les femmes se sont faits la guerre et les hommes ont perdu. C’est bête, d’autant plus que la diabolique Martienne insiste pour repartir chez elle avec un spécimen mâle de l’espèce humaine avant de détruire la Terre. Les mecs, dans le film, font semblant de ne pas se bousculer au portillon pour y aller. Mais tous, à part un gamin d’une dizaine d’années qui ne pipe mot, prétextent le sacrifice pour embarquer, seul homme, sur une lointaine planète peuplée de gonzesses. Et pas des plus moches. Ben voyons ! Il était malin Howard Hawks qui, trois ans plus tôt, s’époumonait « Watch the skies », pas forcément pour la menace rouge comme on l’a cru jusqu’ici.

Dans Fusée pour la Lune (Missile to the Moon, Richard E. Cunha, 1958), les choses sont encore plus claires pour Tommy Cook et Gary Clarke. Ces évadés qui, pour fuir les flics à leur poursuite, se cachent dans une fusée, sont deux petits veinards. Pour des raisons qu’il est inutile d’expliciter, la fusée décolle avec nos deux gaillards et va se poser sur la Lune habitée, je vous le donne en mille, par Miss Floride, Miss New Hampshire, Miss État de New York, Miss Minnesota, Miss Illinois, Miss Allemagne, Miss Yougoslavie et Miss France. Rien que ça !

Bon, il y a bien aussi quelques hommes de pierre et une croquignolette araignée géante à mourir de rire. Remake de Cat-Women of the Moon (1953) d’Arthur Hilton, que l’on peut également se procurer chez Bach Films, Fusée pour la Lune est produit par Astor Pictures et mollement dirigé par Richard Cunha. Malheureusement pas par le grand Jack Arnold qui, lui, s’y connaissait en arachnides turpides (Tarantula, L’homme qui rétrécit).

Inutile d’ajouter que c’est un grand plaisir que de pouvoir découvrir enfin des films rendus mythiques par des bouquins comme “Craignos Monsters”. Le manque de moyens donne de l’imagination au moins créatif des hommes. Les effets spéciaux sont certes… très spéciaux mais admirez les costumes. Les coiffures (ah ! la coiffure de la reine !).

Et la façon de pouvoir respirer lorsque la fusée décolle et qu’on est malencontreusement bloqués dans le compartiment inférieur ? Il faut voir Cathy Downs et Richard Travis porter à leurs nez un simple masque à oxygène et s’en sortir. Neil Armstrong peut bien rouler des mécaniques, il n’a pas fait tout ça !

Je pense toujours à cette réaction du grand Vittorio Cottafavi qui, de mélos en péplums, n’a jamais pu porter à l’écran les vrais sujets qui lui tenaient à cœur. Il était venu présenter Les légions de Cléopâtre à Valence et les cinéphiles ravis le harcelaient de questions sur ses films. “Comment voulez-vous que je vous parle d’eux ? C’est comme si vous demandiez à un père de vanter son fils qui est boiteux et bossu, qui ne voit pas bien ? Je les aime mais j’ai des difficultés à le faire.”
Fusée pour la Lune est certes un peu bancal. Et sans doute qu’il ne pisse pas loin. Ni qu’il en fout plein la vue. Autant de raisons suffisantes pour apprécier ces petits films sympathiques et symptomatiques de leur époque.

Jean-Charles Lemeunier

DVD sorti le 1er février 2012

Une réflexion sur “La Martienne diabolique + Fusée pour la Lune (Bach Films)

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