Malgré un titre français quelque peu trompeur — nous ne sommes pas du tout en présence d’un film fantastique —, c’est avec un véritable plaisir que l’on découvre cette Donna del lago (La possédée du lac, donc, dont le titre italien renvoie à un opéra de Rossini) que tournent en 1965 Luigi Bazzoni et Franco Rossellini. Si le second, fils du musicien Renzo Rossellini et neveu du cinéaste Roberto Rossellini, porte un patronyme qui attire l’attention, on connaît moins le premier. Scénariste et réalisateur, Luigi Bazzoni n’a tourné que six longs-métrages entre 1965 et 1994 et deux courts en 1963 dont l’un, Di Domenica, lui valut d’être remarqué au festival de Cannes.

Utilisant un beau noir et blanc qui servira à merveille les portraits des protagonistes — la caméra filme souvent au plus près des visages —, Bazzoni et Rossellini ouvrent leur film sur une rupture téléphonique. Un homme (joué par l’acteur et réalisateur américain Peter Baldwin), dont on apprendra plus tard qu’il est écrivain, quitte une femme et va se réfugier dans un hôtel de bord de lac quasi désert. C’est là, apprend-on, qu’il vient souvent et où il a passé ses nombreuses vacances d’adolescent.

Il pèse sur cet hôtel et ce village de morte-saison une atmosphère étrange que viennent enrichir les comportements tout aussi curieux des gens que l’écrivain rencontre : il y a là le patron de l’hôtel (formidable Salvo Randone), ses enfants (Philippe Leroy et Valentina Cortese, inquiétants), sa belle-fille (Pia Lindström, angélique, qui était dans la vie la fille de l’actrice suédoise Ingrid Bergman, laquelle alla ensuite vivre avec Roberto Rossellini) et un photographe bossu (Pier Giovanni Anchisi), dont on se demande ce qu’il cherche exactement. Lequel photographe entraîne l’écrivain sur des soupçons inavouables. Il est question ici du suicide d’une jeune femme qui pourrait cacher un meurtre.
Ajoutons à tous ces interprètes la présence fascinante de Virna Lisi, toujours filmée au plus près, telle un fantôme de souvenir.

L’enquête que mène l’écrivain avance par à-coups, perturbée par des cauchemars, des allusions qu’il refuse de croire et qui pourtant le troublent. Car tout ici est équivoque et le moindre geste se charge d’une sourde menace.

La possédée du lac est véritablement un film d’ambiance, une ambiance de film fantastique alors que le sujet relève davantage du récit policier. Ce mélange de genres ne peut qu’emporter nos suffrages.
Jean-Charles Lemeunier
La possédée du lac
Titre original : La donna del lago
Année : 1965
Origine : Italie
Réal. : Luigi Bazzoni, Franco Rossellini
Scén. : Giulio Questi, Luigi Bazzoni, Franco Rossellini, Ernesto Gastaldi d’après Giovanni Comisso
Photo : Leonida Barboni
Musique : Renzo Rossellini
Montage : Nino Baragli
Durée : 85 min
Avec Peter Baldwin, Salvo Randone, Valentina Cortese, Pia Lindström, Pier Giovanni Anchisi, Ennio Balbo, Philippe Leroy, Virna Lisi…
Sortie par Artus Films en digipack DVD/Blu-ray le 20 septembre 2022.