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Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne pourra pas taxer de machisme Martin Provost, réalisateur de La bonne épouse, qui sera à l’affiche le 11 mars prochain. Ses films sont toujours centrés sur une femme, qu’elle soit artiste (la peintre Séraphine de Senlis dans Séraphine, Violette Leduc dans Violette), en difficulté avec sa vie (Le ventre de Juliette, Où va la nuit) ou montrée dans l’exercice de son métier (Sage-femme). La bonne épouse ne déroge pas à cette règle puisque, là encore, plusieurs femmes sont au centre du récit.

Nous sommes en 1968 et Juliette Binoche dirige une école destinée à former les « bonnes épouses ». Autant dire que les jeunes filles y apprennent à cuisiner, coudre, bref à faire tout ce que la société gaulliste patriarcale exige d’une femme. Bien évidemment, au mois de mai, la raison d’être d’un tel établissement va vaciller.

 

 

Le souci est que Martin Provost ne sait pas trop quoi faire de ce sujet en or. Avec sa coscénariste Séverine Werba, beaucoup plus à l’aise dans la série Engrenages, il s’embourbe, ne trouvant pas le ton juste pour raconter son histoire. Il hésite entre la comédie un peu passée, la satire, le dynamitage façon Mocky et pense qu’il suffit d’avoir plusieurs grandes actrices et acteurs devant sa caméra, quelques fortes têtes, pour que tout ce petit monde s’agite à l’écran et nous séduise. Le résultat prouve que ce n’est pas la bonne solution. On a beau avoir Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edouard Baer et François Berléand, encore faut-il ne pas réduire leurs personnages à des caricatures. C’est dommage car tout cela était prometteur mais le cinéma est finalement, comme la cuisine, affaire de dosage. Un peu plus ici, un peu moins là, bien touiller et goûter avant de rajouter quoi que ce soit. Ce ne sont pourtant pas les apprentissages de fourneaux et de casseroles qui manquent dans le film.

 

 

Mais, à trop vouloir donner de caractère à ses trois personnages féminins – il faut voir Noémie Lvovsky en religieuse qui fume comme un pompier et se déshabille en ombre chinoise, voir Yolande Moreau jouer la niaise, seule Juliette Binoche s’en tire bien –, à trop rendre fades les personnages masculins (Baer est inexistant et Berléand fait ce qu’il peut pour sauver l’apathie du directeur/mari qu’il incarne), Provost se perd dans la description trop longue du fonctionnement de son école. Quand enfin mai 68 arrive et que le film se réveille, il est déjà trop tard. Le cinéaste emprunte alors un chemin buissonnier tout à fait incongru (qui a visiblement plu à pas mal de spectatrices ayant assisté à la même avant-première que votre serviteur mal embouché) et là, là, on se dit que voilà un film sans doute bourré d’idées qui nous laissent indifférent. Un film qui, pour vouloir faire au mieux, tombe à plat. Et que dire de cette séquence éprouvante, censément être drôle, au cours de laquelle Armelle, surjouant son côté guindé et barré, débarque avec une équipe de télévision pour filmer cette école exemplaire ?

 

 

Ce n’est pas un secret : ainsi formées, les jeunes filles passeront devant le curé et le maire pour devenir de bonnes épouses, « pour le meilleur et pour le pire », a-t-on coutume de dire. Il en va ainsi du film : le bon côtoie le très mauvais et l’on sort de là en se disant que notre si critiquable société post-soixante-huitarde n’a rien à envier à celle qui la précédait. Et que l’émancipation féminine prônée par le film, qui est un sujet majeur dans la filmo de Martin Provost, a sans doute connu un bond en avant depuis 68. Mais lorsqu’on voit tout ce qui se passe plus de cinquante après, les mouvements Me Too et Balance ton porc, les César 2020, on se dit que, malheureusement, l’étincelle allumée à l’époque est aujourd’hui sur le point de s’éteindre. Et que cette bouffée d’espoir qui conclut le film est finalement à côté de la plaque.

Jean-Charles Lemeunier

La bonne épouse
Année : 2020
Origine : France
Réal. : Martin Provost
Scén. : Martin Provost, Séverine Werba
Photo : Guillaume Schiffman
Musique : Grégoire Hetzel
Montage : Albertine Lastera, Riwanon Le Beller
Durée : 1h49
Avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edouard Baer, François Berléand…

Sortie le 11 mars 2020 par Memento Films.

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