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Le Festival de Cannes, ce sont aussi des films inégaux voire même des purges qui ne nous laisseront pas de souvenirs indélébiles. Ce présent billet revient sur deux films sélectionnés à Un Certain Regard, le off de la Compétition Officielle, qui pourtant ne brille rarement pour y accueillir les meilleures propositions cinématographiques de la Croisette. Si Restless de Gus Van Sant nous fait mentir (relire, plus bas sur ce blog, l’article d’Eric Nuevo au sujet de ce très beau film), ces deux derniers jours ont vu se succéder sur le grand écran de la Salle Debussy au moins deux films très mauvais (Hors Satan de Bruno Dumont, et Skoonheid d’Oliver Hermanus), et un autre plus mitigé, Et maintenant on va où ? de la Libanaise Nadine Labaki. Dans ce film de la réalisatrice de Caramel, catholiques et musulmans cohabitent relativement en paix dans un même petit village contrôlé par les femmes. Il y a bien sûr dans ce conte quelques séquences à charge qui dénaturent un peu la réelle portée politico-poétique du tout, puisqu’à trop nous rabâcher le discours consensuel « aimons-nous les uns les autres et arrêtons cette guerre stupide qui ne mène nulle part », on finit par regretter que Labaki délaisse en ces occasions le ton de la comédie qui lui sied remarquablement bien.

La comédie, ça n’est pas vraiment le domaine de prédilection de Bruno Dumont, qui revient à Cannes « seulement » à Un Certain Regard, avec un film au titre programmatique : Hors Satan. Ou l’histoire d’un clochard et d’une jeune femme un peu paumée dans les dunes du Nord de la France, entre mysticisme paysan et grand-guignolesque grotesque. Il faut voir ces personnages agenouillés dans un champ, au milieu de vaches, face au soleil couchant, et prier on ne sait quel Dieu, pour comprendre ce qui relève en fait d’un entêtement bête de la part de Dumont à s’enfermer dans des récits qui ne riment à rien, et où surtout rien ne se passe. Deux tentatives de meurtre et un viol plus tard (parce qu’il faut bien que Dumont fasse du Dumont, et rien de tel qu’un viol vulgaire dans un fossé pour estampiller le film de la marque de fabrique de son auteur), nous ne sommes pas plus avancés. Les personnages semblent tous bêtes et s’expriment à l’avenant (quand ils décident de s’exprimer !), et inutile de dire que la mise en scène de Dumont n’aide rien à nous identifier en qui que ce soit. Hors Satan est formellement imbuvable, incroyablement long et donc, « chiant ».

Skoonheid, le film sud-africain d’Oliver Hermanus, ne brille pas non plus par l’intelligence de son script, tellement éculé dans les cinématographies du monde entier : un quinquagénaire dépressif et père de famille (François) ne peut repousser ses pulsions homosexuelles, et s’en va tomber sous les charmes de son neveu (Christian). Pour dire quoi ? Que bien entendu la société est moche et injuste et que les brebis égarées feraient mieux de rentrer dans le rang. François tient ainsi en public un discours d’homme fort, tapant facilement sur les « pédés » lors des réunions de famille, et prônant des valeurs très WASP. Mais en privé, notre homme prend part à des partouzes gay entre hommes virils, soi-disant hétéros, et de surcroît racistes (le refus d’intégrer dans le groupe un métisse suffit à évoquer le racisme qui semble encore sévir dans le pays). La meilleure partie du discours de Hermanus est de porter un sévère coup à l’image de ces hommes qui ne font pas ce qu’ils disent, et inversement. Le jeune réalisateur porte un regard malheureusement trop tendre sur son personnage antipathique mais à qui il semble accorder comme une rédemption, lors d’un finale ambigu, totalement raté. Ajoutez à cela une mise en scène assez peu maîtrisée (une lumière assez moche, et cette obsession de faire défiler devant les personnages des figurants en permanence) et pas mal de longueurs (tout condensé, le métrage aurait fait un très bon court), et vous obtenez un film qui ne remplit pas son objectif : dénoncer et/ou mettre en avant le manque de reconnaissance de la communauté homosexuelle du pays, qui plutôt que faire son coming out, continue de vivre dans la clandestinité au point de s’en rendre malade.

Julien Hairault

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