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Avec Dans les replis de la chair, que Frenezy Éditions a sorti en novembre dernier en DVD et Blu-Ray (ce dernier assorti d’un livret de 40 pages sur le cinéaste Sergio Bergonzelli), tout commence par une tête coupée et une course poursuite entre la police et un criminel en moto.

Intéressons-nous de prime abord à ce Bergonzelli, méconnu dans nos contrées si ce n’est pour son diptyque sur notre pirate national Surcouf, que jouait avec panache Gérard Barray : Surcouf, le tigre des sept mers et Tonnerre sur l’océan Indien, tous deux de 1966. Dans le supplément de Dans les replis de la chair, le dramaturge et historien du cinéma Rosario Tronnolone, visiblement spécialiste du gaillard, nous apprend ainsi qu’il fut, contrairement à la légende leonienne, le premier cinéaste italien à s’intéresser au western. D’après lui, Jim il primo (Le Dernier Pistolet) de Bergonzelli fut tourné avant Per un pugno di dollari (Pour une poignée de dollars) de Sergio Leone. Tous deux sont sortis en 1964. Tronnolone évoque surtout les débuts d’acteur et de réalisateur de Bergonzelli, jetant un voile pudique sur sa fin de carrière un peu plus dévouée à la comédie érotique, puis au porno.

Gérard Barray tint le rôle de Surcouf dans deux films signés Sergio Bergonzelli

Quoi qu’il en soit, comme tout bon cinéaste transalpin, il est normal que Bergonzelli passe par la case giallo. C’est donc en 1970 que sort Nelle pieghe della carne (Dans les replis de la chair), qui doit son titre à une citation de Freud placée en exergue du film : « Tout ce qui a existé demeure rivé dans le cerveau, ancré dans les replis de la chair, déformé, cela nous influence et, inconsciemment, dirige nos actes ».

Après donc la tête gisant sur le tapis, la poursuite, l’arrivée du poursuivi sur la plage qui borde une maison et la vision d’une femme mettant en marche un hors-bord et le laissant filer tout seul droit dans la mer, une phrase nous indique que nous sommes 13 ans après. Inutile d’essayer de condenser en quelques phrases l’action qui va se dérouler sous nos yeux. Pratiquement aucun personnage n’est vraiment celui que l’on croit, on se perd largement dans les méandres du scénario, on pense arriver à saisir un détail quand, finalement, surgit un autre personnage qui remet tout en question. Les meilleures de nos séries parviennent à nous faire suivre des scripts archi-compliqués et l’on ne peut que créditer Bergonzelli, auteur du scénario avec Fabio De Agostini et Mario Caiano, d’un savoir-faire à la fois naïf, déroutant, parfois roublard et, somme toute, alléchant. Car, même si l’on a parfois du mal à croire tout ce que l’on nous dit et montre, on a toujours envie de cerner les tenants et aboutissants de cette fiévreuse histoire, aux bords parfois de l’hallucination.

Eleonora Rossi Drago, Anna Maria Pierangeli, Emilio Gutiérrez Caba et Fernando Sancho

Meurtres et retournement se succèdent donc, avec aussi des changement de tons et de jeu. Ainsi, l’arrivée de Fernando Sancho, le motard en fuite du début, amène-t-elle une bouffée délirante totalement en inadéquation avec ce que nous avons vu des occupants de la maison : une gouvernante austère, toute de noir vêtue (Eleonora Rossi Drago, dont on ne peut que remarquer la beauté lugubre), son neveu un peu plus exubérant (Emilio Gutiérrez Caba) et une jeune femme (Anna Maria Pierangeli, qui fit un temps carrière à Hollywood sous le nom de Pier Angeli), censée être la maîtresse de maison, et qui a le coup de couteau facile. Une arme fortement symbolique dans le monde du giallo, alors que Sancho se pointe avec un flingue à la main, semblant avoir été catapulté là depuis un polar urbain dont l’Italie était tout aussi friande.

Anna Maria Pierangeli

Puisque le film s’annonce freudien dès le départ, freudien il reste avec des soupçons d’inceste entre un père et une fille ou entre deux jeunes gens (Caba et Angeli) qui semblent élevés comme frère et sœur et se bécotent à tout-va. Avec en outre un couple de vautours encagés et l’on se dit que, dans cette micro-société au bord de la moisissure et de la désagrégation, les charognards peuvent s’avérer utiles. Tout aussi freudien est ce flashback des camps de la mort nazis, dont Rosario Tronnolone nous explique combien il pouvait paraître gonflé à l’époque, avec ses nus frontaux pas forcément bien vus par une Italie alors très puritaine.

Victor Alcazar et Anna Maria Pierangeli

Il sera tout aussi important de se reporter aux commentaires de l’historien lorsqu’il parle des influences hitchcockiennes que l’on retrouve disséminées dans Dans les replis de la chair. Elles sont légion et l’historien connaît sur le bout des doigts tout aussi bien le maître anglo-hollywoodien que son disciple italien.

Et comment ne pas douter un instant que tous ces personnages ont le diable au corps, que celui-ci se matérialise dans la luxure ou le meurtre, quand on apprend que l’un d’entre eux se nomme Radiguet ?

Jean-Charles Lemeunier

Dans les replis de la chair
Année : 1970
Titre original : Nelle pieghe della carne
Origine : Italie
Réal. : Sergio Bergonzelli
Scén. : Sergio Bergonzelli, Fabio De Agostini, Mario Caiano
Photo
Musique
Montage
Durée : 92 min
Avec Eleonora Rossi Drago, Anna Maria Pierangeli, Fernando Sancho, Alfredo Mayo, Emilio Gutiérrez Caba…

Sortie par Frenezy Éditions en DVD et Blu-ray le 2 novembre 2022.

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