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Naïf ou malin ? Ces deux adjectifs antinomiques pourraient convenir à Nude on the Moon (1961, Nus sur la Lune), le film de Doris Wishman que Bach Films a la bonne idée d’exhumer de la sépulture légendaire où il reposait. Ajoutons que le DVD sort, au sein d’une collection Double programme, accouplé à une bizarrerie : The Boob Tube (1975) de Christopher Odin, version sexy du Groove Tube (1974) de Ken Shapiro, lui-même déjà passablement porté sur la chose. Un prétexte à montrer cette si jolie partie du corps féminin qui donne son titre au film. Parmi les autres nouveautés de la collection de Bach Films, citons également Invasion USA/In the Year 2889, Frankenstein contre le monstre de l’espace/La fille de Frankenstein ou Giant from the Unknown/La bête de la caverne hantée. Si après ça vous ne salivez pas, autant retourner voir La cht’ite famille !

Pourquoi sépulture légendaire à propos de Nude on the Moon ? Parce que les Américains ont rapidement qualifié de « culte » ce nanar devenu invisible au fil du temps et dont nous, Français, furent une fois de plus longtemps privés. Bon, une fois posés tous ces préambules, revenons à la question essentielle du début : le film est-il naïf ou malin ? Prend-il le spectateur mâle américain à qui il est destiné pour un benêt ? La réponse pourrait être affirmative parce que le qualificatif convient clairement. Mais Doris Wishman a su mêler quelques éléments prouvant qu’elle-même n’est pas dupe. La cinéaste a sans doute certainement compris assez rapidement que c’est en surfant sur la frustration sexuelle de ses contemporains qu’elle arriverait à gagner sa vie. Il n’est qu’à voir ses deux films les plus connus après son escapade lunaire, Supernichons contre mafia (dont nous avons parlé ici-même) et Double agent 73, pour comprendre combien Doris a saisi ce qui émoustillait ces messieurs. Une sorte de Russ Meyer au féminin, inférieure malgré tout à l’adorateur de l’hypertrophie mammaire – peut-être parce qu’elle n’a pas un univers aussi structuré que celui des Vixens, nourri de cartoons et d’un vif appétit libidineux.

 

 

Que raconte Nude on the Moon ? L’histoire de deux scientifiques vêtus du même uniforme, Huntley (Lester Brown) et Nichols (William Mayer), et qui ont, semble-t-il tous seuls dans leur coin, construit une fusée. Laquelle est dans un enclos fermé par un grillage sur lequel est apposé le panneau « Huntley Rocket Project ». Question discrétion, on fait pas mieux ! Nous sommes à Miami, dans le même coin que Cap Canaveral, mais finalement sans tout le chichi dont la NASA entoure le lancement de ses vols spatiaux. Ici, nous ne voyons que les deux savants, dotés par ailleurs d’une très belle voiture décapotable que Doris Wishman aime visiblement filmer, une secrétaire (Marrietta) et rien de plus. En plus de tout cela, un autre petit signe qui montre que la Doris n’est pas du tout dupe de ce qu’elle filme : le bureau de Huntley et Nichols est rempli de fioles genre Dr Jekyll dont on se demande bien à quoi elles peuvent servir à ces deux astrophysiciens.

On l’a compris, nos deux hommes ne vont pas tarder à s’envoler vers notre cher satellite pour un petit voyage qui ne devrait pas durer plus de quatre jours. Au passage, autre clin d’oeil, au cours d’une des nombreuses balades en voiture des deux hommes, ils passent devant un cinéma jouant un film dont ils disent le plus grand bien : Hideout in the Sun, premier film réalisé par Doris l’année précédente. L’histoire de deux braqueurs qui ne trouvent rien de mieux que de se réfugier, pour fuir la police, dans un camp de nudistes. Le meilleur moyen pour se cacher étant, c’est bien connu, de se foutre à poil !

 

 

À partir du décollage, Doris Wishman et son coréalisateur Raymond Phelan (tous deux signent sous le nom unique d’Anthony Brooks) ne vont cesser de multiplier les signes montrant combien ils s’amusent. La fusée alunit dans un désert rocailleux sans que les deux voyageurs n’en prennent vraiment conscience, plongés qu’ils sont dans un profond sommeil pouvant faire penser que tout le reste n’est que rêve. Vêtus de seyantes combinaisons, une rouge et une verte – de quoi rendre morts de honte les futurs Power Rangers -, nos deux héros vont trouver sur la Lune un paysage qui ressemble en tous points à la Terre et même, pour être plus précis, à l’intérieur d’un camp de nudistes en Floride. Car, et c’est là l’aspect le plus vendeur du film, les Sélénites sont de jolies filles aux seins nus, habillées d’un seul et charmant slip de bain, protégées par deux ou trois vigoureux gaillards aux mêmes slips, et qui communiquent entre elles par télépathie et une voix-off en anglais  Très occupées à batifoler dans la nature, elles endorment les deux visiteurs.

 

 

La suite oscille là encore entre le naïf et le malin. Huntley et Nichols redescendront sur Terre pour s’apercevoir qu’on peut parfois trouver près ce qu’on a cherché loin et sans qu’on sache si leur aventure fut vécue ou rêvée. Mais est-ce si important ? Et l’on se doute que le film a dû susciter des vocations astronautiques chez les ados qui ont eu la chance de le voir.

 

 

Un mot encore sur Invasion USA (1952) que signe le vétéran Alfred E. Green (il réalise ses premiers films en 1916). Voguant sur la vague anticommuniste, ce curieux récit décrit la destruction des États-Unis par des troupes vêtues d’uniformes américains et parlant anglais (quelle sournoiserie) qui ressemblent fort à l’Armée rouge. Une paranoïa qui fit long feu dans la cinématographie américaine puisqu’en 1984, dans Red Dawn (L’aube rouge), des ados luttaient contre une invasion communiste et que, l’année suivante, au cours d’une autre Invasion USA, Chuck Norris devait affronter à nouveau de méchants communistes,un mélange de Cubains et de Soviétiques.

 

 

Si le film est étrange, c’est qu’il montre aux Américains, s’ils n’y prennent garde, combien l’idéologie communiste peut être nocive. L’histoire est donc comme un rêve vécu par un petit groupe de personnes qui se trouvent dans un bar de New York. Série B idéologique, Invasion USA ne rechigne pas devant des images chocs, telle cette voiture dans laquelle se trouve une famille américaine, pulvérisée par les eaux du barrage Hoover (le Boulder Dam). Ne surnage dans les flots qu’une poupée enfantine. Œuvre militariste intéressante parce qu’elle nous apprend beaucoup sur la mentalité réactionnaire de l’époque maccarthyste, Invasion USA se conclut sur une citation de George Washington, l’équivalent de la fameuse locution latine « Si vis pacem, para bellum » : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. »

 

 

À noter que le film est produit par Albert Zugsmith qui, entre deux films d’exploitation (La vie privée d’Adam et Sex Kittens Go to College), finança quelques chefs-d’oeuvre : La soif du mal d’Orson Welles, Ecrit sur du vent et La ronde de l’aube de Douglas Sirk, L’homme qui rétrécit de Jack Arnold…

 

 

Quant à In the Year 2889 (1967) de Larry Buchanan, c’est une sympathique série Z qui étudie, dans un monde post-apocalyptique, les rapports entre un groupe de personnes réunies dans une maison épargnée par les radiations atomiques. À noter la présence, au sein d’une distribution inconnue chez nous, de Quinn O’Hara, Miss Écosse au Miss International Beauty Congress de Long Beach (Californie). Détail dont on peut, bien sûr, se passer.

Jean-Charles Lemeunier

Nus sur la Lune/The Boob Tube et Invasion USA//In the Year 2889 : en DVD chez Bach Films depuis le 5 février 2018.

 

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