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Retour rapide (en attendant un papier plus complet dans le prochain n° de VERSUS) sur le 1er Festival du film policier de Beaune (qui se tenait jusqu’en 2007 à Cognac), et les 14 films des deux compétitions (la sélection officielle et la compétition « Sang Neuf »).

COMPETITION OFFICIELLE

Loft, de Erik Van Looy (Belgique)

Par le réalisateur du remarqué-à-Cognac La Mémoire du tueur, Loft est un polar ambitieux et manipulateur, fortement influencé par David Fincher (du générique où les noms sont incrustés sur les murs des immeubles façon Panic Room, à la mise en scène ultra léchée et l’ambiance glauque de l’ensemble), et qui impressionne par la richesse d’un scénario béton. Cinq hommes mariés partagent dans le plus grand secret un loft où ils reçoivent leurs maîtresses, jusqu’au jour où l’un d’entre eux y découvre le cadavre d’une jeune femme… Une belle partie de Cluedo, malheureusement gâchée sur la fin par un rebondissement de trop qui rallonge inutilement la durée du film. Cette fausse note est d’ailleurs imputable à la volonté trop forte, et un peu racoleuse, de la part du cinéaste, à trop mettre en avant son incontestable savoir-faire, et sa volonté de manipuler son audience une fois de trop, LA fois de trop. Dommage, mais ce diable belge n’est pas manchot, à suivre…

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Dans la brume électrique, de Bertrand Tavernier (France/Etats-Unis). GRAND PRIX DU JURY

Film d’ouverture du festival, co-produit dans des conditions chaotiques entre la France et les Etats-Unis, Dans la brume électrique confirme que Tavernier sait y faire pour raconter une histoire (ici adaptée d’un roman de James Lee Burke, et qui raconte la traque par un enquêteur d’un tueur en série dans les marécages de Louisiane). Il filme aussi, avec respect et amour, un pays qu’il connaît par coeur, et accouche d’un excellent thriller au rythme calme et posé, qui sied très bien à l’interprétation comme toujours exceptionnelle de Tommy Lee Jones, ici très proche de son rôle de Marshall vieillissant de No Country for Old Men. A noter la très belle utilisation d’un sous-texte historique, qui accouche de quelques belles séquences oniriques… Film très fin, très beau, mais qui aurait mérité, parfois, un meilleur traitement visuel. On ne dira jamais assez que Tavernier n’est pas le plus grand faiseur d’images de la planète, loin s’en faut !

The Beast Stalker, de Dante Lam (Hong-Kong)

Dans un tout autre genre, The Beast Stalker, prototype-même du film d’action made in HK, exécute sur près de 2h, une histoire de rédemption dans laquelle un flic affronte seul le kidnappeur d’une fillette dont il a tué (le flic), la soeur par erreur… Comme beaucoup des films de la compétition, The Beast Stalker est trop long, trop mélo aussi, la faute aux contraintes de production. Sans la fraicheur des scènes d’action, dont un incroyable accident de voiture qui n’a rien à envier au crash de Death Proof, et à une belle pirouette finale plutôt bien sentie (et touchante), le film de Dante Lam serait à oublier assez vite.

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La Fille du lac, de Andrea Molaioli (Italie)

Rien de renversant non plus, mais un long-métrage honnête. Un premier film sobre, efficace, qui profite d’une enquête (une jeune femme tuée… au bord d’un lac) pour scruter une petite ville du sud de l’Italie, ainsi que ses habitants. Molaioli tire le meilleur de très beaux décors naturels et d’un Toni Servillo (il est partout ce gars !) impeccable dans le rôle de l’enquêteur. La trame, si elle ne vaut pas mieux que celle d’un bon Louis, la brocante, reste suffisamment bien traitée pour ne jamais lasser, surtout que le réalisateur a la bonne idée de ne pas s’embarrasser de scènes superflues, et de s’en tenir à 90 minutes. Honnête donc, mais manquant cruellement d’ambition pour dépasser l’académisme du tout.

Terribly Happy, de Henrik Ruben Genz (Danemark). PRIX SPECIAL POLICE

Le pitch du film rappelle celui de l’excellentissime Hot Fuzz : Robert, un policier de Copenhague qui a commis une faute professionnelle, est réaffecté dans une petite ville de province. En apprenant petit à petit les coutumes locales, il découvre que les habitants de ce petit village à l’apparente tranquillité semblent cacher des secrets bien enfouis. Mais Terribly Happy n’arrive pas à la cheville du monument d’Edgar Wright, et préfère à la parodie, la monotonie d’un western poussif faussement amoral… Avec un tel décor (le sud du Jutland et ses paysages hallucinants) et quelques bons personnages, Henrik Ruben Genz passe toutefois à côté de son sujet, incapable de créer la moindre tension, et d’apporter une touche d’inventivité/originalité à une histoire déjà vue des dizaines de fois ailleurs, en mieux (Fargo notamment). Dommage…

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Shoot on Sight, de Jag Mundhra (Grande-Bretagne/Etats-Unis)

Attention, sujet casse-gueule, mais maîtrisé ! Shoot on Sight raconte l’histoire d’un enquêteur musulman de Scotland Yard travaillant sur la mort, dans le métro, d’un jeune musulman suspecté (à tort) d’être terroriste… Autant le dire tout de suite, ce n’est pas la mise en scène faiblarde (digne d’un téléfilm, faute de moyens), et quelques aberrations dans le scénario (dignes, elles, d’une sitcom), qui sauvent le film de la noyade, mais bien la justesse du propos qui dans la dernière heure (là encore, on en prend pour 2 heures), a le bon goût d’éviter tout raccourci politique et idéologique douteux, tout en dénonçant les dérives communautaires et extrémistes de la religion, ainsi que les préjugés occidentaux sur la question… Un métrage plutôt courageux, mais indigne formellement d’un Festival International de cinéma.

New Town Killers, de Richard Jobson (Grande-Bretagne)

L’exemple type de film surfant (mais beaucoup trop tard) sur la vague Fight Club. Deux banquiers proposent à un ado de se cacher toute une nuit dans Londres, sans se faire attraper, avec à la clé, la promesse de trouver dans le coffre d’une gare, 12 000 £ (exactement la somme qu’il faut à sa soeur pour combler ses dettes, bizarre). Histoire débile se voulant politiquement incorrecte (où la critique du capitalisme est pourtant bien vite expédiée), New Town Killers n’est rien d’autre qu’une chasse à l’homme mal filmée (ou plutôt filmée avec mauvais goût, effets racoleurs à l’appui), sans suspense, et usant d’un manichéisme effarant de bêtise. Sans doute le plus mauvais film de la compétition, presque même hors-sujet.

Solo Quiero Caminar, de Agustin Diaz Yanes (Espagne/Mexique). PRIX DU JURY

De très loin le meilleur film de la compétition, savant mélange de comédie (parfois noire) et d’action, avec une bonne dose d’incorrection frôlant souvent le jubilatoire et la provocation, mais restant toujours dans le bon goût. Polar féministe façon Tarantino (les nombreuses scènes de fellation feront jaser), Solo Quiero Caminar (distribué cet été en France) a déjà pour lui le plus beau casting féminin du festival : Victoria Abril, Adriana Gil, Pilar Lopez de Ayala et Elena Anaya (toutes désireuses de se venger d’une bande de trafiquant de drogues mexicains). Sans compter la présence époustouflante de Diego Luna (aperçu dans Harvey Milk dans un tout autre registre), véritable révélation du film, impressionnant de charisme dans le rôle d’un homme de main sur le chemin de la rédemption. Pour le reste, si le scénario assume à fond quelques errements, la mise en scène de Agustin Diaz Yanes (Capitaine Alatriste) dépote, et la tonalité du film, partagée entre noirceur et humour, permet à Solo Quiero Caminar de s’adjuger haut la main le titre de film le plus authentique et vibrant du festival, là où tous ses petits camarades manquent cruellement d’âme.

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Suspect X, de Hiroshi Nishitani (Japon). PRIX DE LA CRITIQUE

Autre belle surprise que ce polar mathématique teinté d’humour qui s’offre le luxe d’une scène d’ouverture formidable : un cours de physique grandeur nature impossible à retranscrire tel quel par écrit. S’en suit un duel magnifique entre deux profs de maths amis (l’un a aidé une femme à se débarrasser d’un corps, l’autre est du côté de la police). Suspect X réussit aisément à tenir la longueur avec comme simple ambition de vouloir faire résoudre une enquête comme on chercherait à résoudre une équation… Ajouter à cela l’impeccable mise en scène de Hiroshi Nishitani, et un discours social bienvenu et bienveillant à l’égard des femmes (voir comment la jeune flic se fait rembarrer tout au long du film en dit long sur la société nippone, un peu comme les polars coréens n’hésitent pas à critiquer ouvertement la police, cf. Memories of Murder, The Chaser…), et vous obtenez un polar sans fausse note, justement récompensé lui aussi (le Prix de la critique, nos confrères ont du goût).

COMPETITION « SANG NEUF »:

Galantuomini, de Edoardo Winspeare (Italie)

Davantage un mélodrame qu’un polar. Un juge retourne dans sa campagne natale et découvre que ses anciens amis (dont l’un vient de mourir) sont mêlés à la mafia locale… Film sans grande ambition, donc le plus grand défaut réside dans la neutralité des personnages, trop peu considérés pour vraiment faire que le spectateur s’y intéresse. Et puis le métrage se complaît dans un final mélodramatique assez décevant, et presque navrant.

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Bronson, de Nicolas Winding Refn (Grande-Bretagne). PRIX SANG NEUF

Ce n’est pas la claque tant attendue, mais ça n’en demeure pas moins un grand film. Le réalisateur de la trilogie Pusher (découvert à Cognac) filme la transformation de Michael Peterson en Charles Bronson, prisonnier britannique le plus violent de l’histoire, qui à l’inverse de Michel Vaujour, fait tout pour rester en prison (!). Sous les apparats d’une mise en scène un peu racoleuse qui cite ouvertement le cinéma de Kubrick (pour l’utilisation systématique de la musique classique), il faut en fait voir dans Bronson le portrait d’un « personnage », d’un homme s’ayant inventé un deuxième « moi », et ayant littéralement mis en scène son existence. Inventif dans la forme, audacieux dans le fond (ces scènes inhabituelles où Bronson raconte sa vie face à un public, regards-caméra à l’appui, sur une scène de théâtre), Bronson révèle aussi un grand acteur jusque là habitué aux seconds rôles : Tom Hardy.

Helen, de Christine Molloy et Joe Lawlor (Grande-Bretagne/Irlande)

La révélation du festival, et une magnifique variation autour du polar. Tout part de la disparition d’une jeune fille, Joy. La police mène l’enquête et fait appel à Helen, une jeune lycéenne vivant dans un foyer, pour la reconstitution du crime. C’est un film magnifique sur le cinéma, sur l’adolescence, qu’un Gus Van Sant (la mise en scène du duo irlandais rappelle d’ailleurs les expérimentations formelles du cinéaste américain sur ses derniers films) n’aurait pas renié. Le basculement du film du polar vers la fable initiatique s’effectue par la disparition, petit à petit dans le film, des personnages policiers, au profit d’assistantes sociales. Un premier film à découvrir donc…

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Ne me libérez-pas je m’en charge, de Fabienne Godet (France)

Personnellement, je n’ai rien contre Michel Vaujour. Seulement voilà, je ne vois pas l’utilité de faire parler le type pendant deux heures, pour qu’il nous dise que oui, la prison c’est l’enfer, et que la vie dehors c’est mieux. Gros coup de gueule donc, contre ce documentaire sans intérêt qui échoue là où un film comme Man on Wire réussit, c’est à dire à vendre du rêve. D’autant que le parti pris de la réalisatrice de recourir le moins possible aux documents d’archives, et de filmer très souvent en gros plan son sujet, lasse très vite.

The Bone Man, de Wolfgang Murnberger (Autriche)

Belle sortie pour le festival, qui avec ce long-métrage autrichien (normalement traduit en français sous le titre Bienvenue à Cadavre-Les-Bains, merci MK2), s’offre un film bien noir, bien grinçant, où l’on se demande bien souvent s’il faut en rire, ou en pleurer. Un ex-flic débarque dans une auberge perdue en pleine cambrousse, où le maître des lieux (le Bone Man) n’y va pas par quatre chemins quand il se fait emmerder. The Bone Man renverse tous les clichés du film d’horreur, et s’autorise même un final aussi jouissif que grand-guignolesque, où le gore, l’amoral, le macabre et l’amour se cotoîent sans que cela ne sonne faux une seconde ! Un tour de force servi par un casting de tronches remarquable…

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A noter que pour une première édition, le Festival n’a pas fait salle comble, loin s’en faut. La faute au beau temps, mais aussi et surtout à l’absence de « Village » festival près du cinéma, et à une politique tarifaire un peu absurde, où il était impossible d’acheter une place pour un seul film… Autant dire qu’il n’y avait pas d’ambiance.

Dommage donc, d’autant que la programmation, bien que dense et variée, n’était pas d’une grande richesse. Les différents jurys ont d’ailleurs, à juste titre, récompensé les meilleurs films (sauf le Prix Spécial Police donné à Terribly Happy).

Julien Hairault

Une réflexion sur “1er Festival International du Film Policier de Beaune

  1. Dommage pour l’ambiance et le manque d’affluence…
    Mais il y a plusieurs films qui m’intriguent et que j’ai hâte de voir.

    Merci de ce petit compte rendu bien sympatoche !

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