Si l’on se permettait une métaphore végétale, on pourrait dire que le Prix Lumière qui, depuis 2009, a été décerné à Lyon à Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu, Ken Loach, Quentin Tarantino, Pedro Almodovar et Martin Scorsese, est un arbre qui cache la forêt. Un arbre qui, jusqu’à présent a pris l’apparence de chênes et qui, cette année, aura celle du charme — puisque c’est à Catherine Deneuve qu’il sera remis le 14 octobre prochain. Mais un arbre qui cache néanmoins une forêt de trésors cinéphiliques.
Le festival Lumière, qui se déroule cette année du 8 au 16 octobre dans la capitale des Gaules, n’est pas en effet uniquement centré sur la personnalité honorée. Certes, on se réjouit de voir et revoir de nombreux films de Catherine Deneuve, beaucoup en sa présence, mais on saute tout autant de joie de savoir que, question rétrospectives, il y en aura pour tous les goûts, depuis le cinéma muet jusqu’à aujourd’hui. Les films de Buster Keaton seront de la revue mais aussi ceux de Marcel Carné et d’Antonio Pietrangeli, quelques autres où trottinent les monstres de la Universal, quelques-uns avec des reines de Hollywood, des raretés extirpées des archives du monde entier, une sélection orchestrée par Tarantino avec des films sortis en 1970… Il faudrait vraiment souffrir de xérostomie pour ne pas saliver sur cette programmation fournie.
Parmi les coups de cœurs de cette édition 2016, on notera le cycle consacré à Dorothy Arzner, une femme qui, dès les années trente, avait le toupet de diriger des films à Hollywood — ce qui, à quelques exceptions près, de Nell Shipman à Lois Weber, était à l’époque très rare. Maître d’œuvre du festival, l’Institut Lumière propose sept films réalisés par la dame entre 1930 et 1940 — sa carrière de cinéaste court de 1922 à 1943 —, dont les plus connus sont sans doute Christopher Strong (1933, La phalène d’argent) avec Katherine Hepburn et Dance, Girl, Dance (1940) avec Lucille Ball et Maureen O’Hara. Toujours au rayon des découvertes, on signalera également trois films d’Edward L. Cahn. Le premier, Law and Order (1932), formidable western sur l’histoire pas encore usée de Wyatt Earp, avait déjà été montré il y a quelques années. C’est dire si l’on attend avec impatience les deux autres, Afraid to Talk (1932) et Laughter in Hell (1933). Les conseiller est une façon de jouer sur du velours : les films américains baptisés Pré-Code, parce que tournés avant 1934 et l’instauration du code de censure, sont des joyaux. La plupart exhibent une liberté de ton et une modernité mises quelque peu en veilleuse par la suite dans la production courante. Les films de Cahn plus quatre autres interprétés par Eddie Constantine seront présentés par Bertrand Tavernier. Lequel propose également en avant-première son Voyage de plus de 3 heures à travers le cinéma français qui s’annonce passionnant, comme l’étaient déjà les deux précédents opus sur les productions américaines et italiennes dues à Martin Scorsese.
À noter également la présence du producteur britannique Jeremy Thomas (Le dernier empereur, A Dangerous Method) qui viendra parler du travail de son père et de son oncle, les cinéastes anglais Ralph et Gerald Thomas. Parmi les autres prestigieux invités, citons encore Walter Hill, qui sera présent à la projection de plusieurs de ses films, dont (re)Assignment en avant-première. Gong Li et Jean-Loup Dabadie viendront parler de leur travail, Nicolas Winding Refn montrera Bleeder (1999), son deuxième film et il faudra chausser ses lunettes 3D pour mieux profiter de Gaspar Noé et de son Love. Autre avant-première, celle des deux premiers épisodes de The Young People, en présence de Paolo Sorrentino.
Jean-Charles Lemeunier
De nombreux autres cinéastes, acteurs, producteurs et critiques seront encore présents dans la totalité des cinémas de l’agglo pour venir présenter leurs films ou ceux d’autres auteurs. Pour en savoir plus : http://www.festival-lumiere.org