Dans un futur proche, les grandes nations sont entrées en guerre pour le contrôle du pétrole. Devant la révolte des populations, certains états essaient de maintenir un semblant d’ordre tandis que des bandes de délinquants sillonnent les routes au mépris total des lois. Max Rockatansky est un policier de la route, l’un des meilleurs si ce n’est LE meilleur. À bord de son véhicule (son Interceptor qui renvoie K2000 aux rayons jouets des magasins), il est chargé de combattre dans la mesure du possible, les bandes de pirates de la route. Lors d’une poursuite animée et violente, un voyou se tue en tentant d’échapper à Max. Son frère, le chef d’un dangereux gang de motards, décide de le venger. Quand le coéquipier de Max, Jim Goose, se retrouve à l’hôpital, grièvement brûlé par le gang, Max prend peur et décide de quitter son poste de policier. Mais lorsque les motards tuent sa femme et son bébé, Max bascule dans la folie meurtrière, et part à la poursuite des motards dans le seul but de les éliminer.
Imaginez une époque futuriste, mais pas si éloignée de la notre où les routes australiennes sont exemptes de limitation de vitesse et totalement libres donc vouées à une anarchie routière extrêmement violente et meurtrière. Imaginez dans un même temps que La Loi ne soit plus qu’un lointain souvenir, une réminiscence des temps anciens seulement colportée par des anciens désabusés et aigris. Si vous arrivez à imaginer ceci, alors vous n’avez aucun effort à faire pour vous projetez dans les temps barbares et sauvages décrit dans ce monument du cinéma d’anticipation qu’est Mad Max.
Mais attention : malgré les protestations et la véhémence d’une certaine caste culturelle de l’époque, ce justicier dans la ville du futur proche n’est pas un brulot fasciste tant décrié. Désespérante, l’œuvre ultime de Miller est avant tout d’un nihilisme désabusé, un enfer traversé par une route infinie sur laquelle circule une société déconfite. Sans espoir de conclusion à court terme, la violence, véhiculée par des routards psychopathes obnubilés par le chaos et la destruction, devient le repère d’une civilisation déclinante.
Simple policier évoluant dans une époque chaotique et se lançant dans une vendetta dévastatrice contre ceux qui ont tué sa femme et son fils, Max Rockatansky échappe, en toute connaissance de cause, aux notions prédéfinies de bien et de mal, de justice ou de vengeance, d’ordre et de désordre tout simplement. Naviguant sur des chemins asphaltés entrecoupant un désert australien devenu champ de bataille sauvage et immense, le surhomme rendu fou par le chagrin de la perte d’êtres chers, reste le dernier rempart contre la sauvagerie symbole de la décrépitude de cette ex-société civilisée. Cent pour cent punk, Mad Max impose une vision résolument catastrophique d’un monde post-apocalyptique où la menace principale pour l’homme est l’homme ! Et rejoint la longue liste des films de série B réalisés dans les années 70 et 80, infiniment politique et nihiliste dans l’approche humaine du chaos.
D’ailleurs la relation entre les hommes est au centre de ce monstrueux film jugé trop rapidement simpliste. En héritier des meilleurs Westerns mais également inspiré par les œuvres hard homo américaines du début des années 70, le film de Georges Miller est nettement plus ambigu qu’il n’y paraît. La relation entre Max et son équipier Goose, teintée de virilité n’est, par exemple, pas exempte d’empoignades viriles, de sourires en coin et de complicité. De même qu’il est de bon ton de s’interroger sur l’aspect des policiers dont la tenue tout en cuir moulant, et les armes en prolongement phalliques sont de possibles explications à l’insipidité des personnages féminins, tout au moins dans les deux premiers tomes de cette tétralogie.
Mais Mad Max est également, par sa volonté de n’être finalement qu’une gigantesque poursuite de voiture, le prolongement de classique hollywoodien des années 60 et 70. Maitrisant parfaitement ses références parmi lesquelles on peut placer Bullit ou French Connection, Miller pousse à l’extrême la violence mécanisée en étirant au possible les séquences routière et redéfinit alors le genre lui-même en devenant un film-poursuite ce qu’il amplifiera encore davantage dans le quatrième volet sorti il y a peu.
Mélange de tôles froissées, de chairs meurtries, de cuir déchiré, l’œuvre de Georges Miller est un agglomérat de poussière et de sang dans lequel les personnages évoluent comme dans les meilleurs westerns crépusculaire. Film où la puissance se mesure à coup de cylindre, de piston et d’essence, Mad Max porte également en son sein la figure controversé du justicier dans ce qui apparaît comme la genèse d’un nouveau genre : le « vigilante d’anticipation » qui inspirera toutes une séries de resucées, pour la plupart d’origine transalpine voire même un manga culte, Ken le survivant. Classé X de façon ubuesque par un comité de censure absolument pas préparé à ce déchaînement de bris et de fureur, Mad Max n’est sorti en France dans une version intégrale qu’en 1983 soit près de quatre ans après sa réalisation. Après une version amputée de plusieurs scènes, le chef d’œuvre de Georges Miller fut projeté dans sa version intégrale peu de temps après la sortie de Mad Max 2 qui redéfinira la psychologie et la personnalité du héros. Et près de quarante ans après sa fabrication, ce petit bijou, ce monument du septième art mérite incontestablement des visions cycliques et attentives.
Fabrice Simon
Titre original : Mad Max (1979)
Réalisation : George Miller
Scénario : James McCausland et George Miller
Acteurs principaux Mel Gibson, Joanne Samuel, Steve Bisley, Hugh Keays-Byrne
Musique : Brian May
Directeur de la photographie : David Eggby
Montage : Cliff Hayes et Tony Paterson
Producteur : Byron Kennedy
Pays d’origine : Australie
Format : couleur — 35 mm — 2,35:1 — son monophonique
Durée : 88 minutes
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