Home

 

Le cinéma hollywoodien dans ce qu’il a de plus pur et de plus formidable, voilà bien ce qu’est La flibustière des Antilles (1951), que BQHL ressort dans un combo DVD + Blu-ray. Tout y est : les couleurs, les décors, les costumes, les transparences, l’action, le Technicolor de la Twentieth Century Fox, etc. Depuis les années 20 et le fameux Pirate noir interprété par le bondissant Douglas Fairbanks, les films maritimes ont ravi les gosses du monde entier. Capables, en sortant de la salle, de se battre avec des épées imaginaires des heures durant et de crier des phrases incompréhensibles du style « Carguez la civadière », celle-ci entendue d’ailleurs dans La flibustière. Et qui signifie… En fait, c’est « Repliez la petite voile » mais peu importe, ça sonne tellement mieux. Dès 1935, Errol Flynn a pris la suite de Fairbanks dans ces histoires où un héros pur et dur combat pour la bonne cause sur les mers du monde entier. Jacques Tourneur bouscule la donne en faisant de son héros… une héroïne, Anne Providence, qui donne son titre original au film, Anne of the Indies.

 

 

Largement inspiré par Ann Bonny, l’une des plus célèbres femmes pirates avec Mary Read, le personnage d’une flibustière est mis pour la première fois au centre d’un film. Il faudra attendre 1961 et Le avventure di Mary Read (Marie la rousse, femme pirate) d’Umberto Lenzi pour qu’un tel événement se reproduise. Tout ce que Tourneur reproduit à l’écran semble alors nous dire qu’on se trouve devant une fiction. Les couleurs envahissent l’écran, une main anonyme biffe d’un trait des bateaux coulés par des pirates et le film peut commencer. Car oui, il s’agit bien d’un film et Tourneur fait en sorte de laisser de côté tout ce qui s’apparenterait à un documentaire sur la marine. Connu pour son économie de moyens et sa sobriété dans ses magnifiques films d’horreur de la RKO, aux budgets minimalistes, Tourneur semble ici disposer de tellement de dollars qu’il les montre à l’écran et que le spectateur lui en sait gré. Cette impression que, pour notre plus grand plaisir, Tourneur ne se prend pas au sérieux et en rajoute est tenace. Cerise sur le gâteau, le combat dans la taverne de Nassau entre Anne et son vieil ami le capitaine Teach, alias Barbe Noire. Thomas Gomez, qui l’interprète, en fait des tonnes, ce qui est normal puisque le vieux pirate est devenu dans l’imaginaire collectif un vieux brigand truculent et cruel. Robert Newton, qui portera lui aussi la célèbre barbe noire l’année suivante pour Raoul Walsh, après avoir incarné le tout aussi fameux Long John Silver dans la version 1950 de L’île au trésor, cabotinera également. Sauf qu’ici, Gomez rend Barbe Noire sympathique, parce que ce dernier aime et protège Anne.

 

 

C’est ce renversement de vapeur qui est le plus étonnant dans cette Flibustière des Antilles. Les pirates, que l’on voit pourtant piller des bateaux et tuer des gens, s’ancrent plus facilement dans le cœur et l’estime des spectateurs que ce fringant jeune marin français joué par Louis Jourdan, peut-être trop fade, trop propre sur lui. Lui-même français, Tourneur en profite d’ailleurs pour glisser dans le dialogue une allusion à Paris. Le cinéaste excelle aussi dans le double sens. Il a donné le rôle de sa flibustière guerrière à la délicieuse Jean Peters, qui s’entend pourtant dire par son ami et médecin Jameson (Herbert Marshall) : « Vous n’êtes en rien une femme. » Ce que démentent absolument les images, à plus forte raison lorsque Anne laisse tomber sa tenue masculine pour passer une jolie robe dorée. Et filmer le sentiment amoureux qui s’empare de la jeune femme la rend d’autant plus attachante aux yeux du public.

 

 

On sait que Jacques Tourneur est un cinéaste considérable et jamais il ne peut être pris en défaut de se désintéresser de son sujet. Il n’est qu’à voir cette séquence au cours de laquelle Anne et Barbe Noire se disputent au sujet de Pierre-François La Rochelle (Jourdan, donc). Le redoutable pirate quitte l’île et Tourneur filme en plongée sa descente dans la barque qui l’amènera à bord de son vaisseau. A partir de là, le cinéaste fait glisser les codes et son film de pirates s’incline doucement vers le récit d’un drame conjugal dans lequel un homme, Jourdan, va se retrouver pris entre deux cœurs, ceux de Jean Peters et de Debra Paget. Jusqu’à transformer son récit en portrait d’une femme amoureuse et blessée. Du grand art !

Jean-Charles Lemeunier

 

 

La flibustière des Antilles

Année : 1951

Titre original : Anne of the Indies

Origine : Etats-Unis

Réal. : Jacques Tourneur

Scén. : Philip Dunne, Arthur Caesar

Photo : Harry Jackson

Musique : Franz Waxman

Montage : Robert Fritch

Durée : 81 min

Prod. : Twentieth Century Fox

Avec Jean Peters, Louis Jourdan, Debra Paget, Herbert Marshall, James Robertson Justice, Thomas Gomez…

Edité par BQHLen combo DVD + Blu-ray le 18 avril 2019.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s