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Star du cinéma horrifique espagnol, Paul Naschy — que l’on retrouve dans Le Grand Amour du comte Dracula que sort en Blu-ray Le Chat qui fume — aimait bousculer les mythes. Au cours de sa carrière, il a ainsi incarné à plusieurs reprises le comte Waldemar Daninsky qui refusait le fait d’être devenu loup-garou suite à une morsure et combattait ce mal, du moins dans le premier film de la série, La marca del hombre-lobo (Les Vampires du docteur Dracula).

Dans ce El gran amor del conde Drácula (1972, Le Grand Amour du comte Dracula ) qui nous intéresse ici, l’acteur a coécrit le scénario sous son vrai nom, Jacinto Molina, laissant la mise en scène à Javier Aguirre. Et, là encore, il tord la légende. Un mot d’abord sur Paul Naschy que Christophe Lemaire, dans son amusant commentaire du film, décrit comme un haltérophile « qui aurait été écrasé par une commode », tant le type était petit de taille et trapu. On ne peut qu’être d’accord avec le journaliste, le Paul n’avait pas énormément de charisme mais il sut s’imposer dans tant de film qu’on lui pardonne aisément de ne pas ressembler à Christopher Lee. Car, entre nous, le Dracula de la Hammer, dans sa superbe, n’aurait jamais daigné tomber amoureux. Ce que peut se permettre Paul Naschy.

L’acteur apporte donc sa touche personnelle au mythe, rendant le héros plus humain et fragile et, osons le mot, plus original. On s’étonnera de voir le prince des ténèbres souffrir, choisir de ne pas mordre la femme dont il est tombé amoureux et laisser tomber son projet initial.

Se rapprochant de l’esthétique de la Hammer et de ses couleurs flamboyantes, Le Grand Amour du comte Dracula amène une note gore supplémentaire au récit de vampire vu et revu tant de fois. Le sexe a toujours été l’un des ingrédients du genre et ici aussi, les filles succombent en se déshabillant. Sauf que les crocs, en pénétrant leur chair, inondent leurs corps d’un sang bien rouge du meilleur effet.

Sans craindre de provoquer la colère des dieux — ceux des films horrifiques, bien sûr —, Aguirre reprend également à son compte plusieurs thématiques distillées par les grands films fantastiques et pas seulement ceux de la Hammer ou appartenant au cycle Dracula. Outre la sexualité et le lesbianisme, inhérents au vampirisme, on trouvera ainsi des séquences sadiques au cours desquelles une jolie femme est fouettée. Mais aussi deux malfrats à qui l’on demande de trimballer des caissons, qui font penser à Burke et Hare, les protagonistes du Récupérateur de cadavres (1945) et de L’impasse aux violences (1959). Ou encore un cadavre que du sang de vierge doit ressusciter, séquence identique à celle de La Soif du vampire, un film Hammer de 1971.

Une œuvre somme toute étonnante par la manière de traiter l’ensemble de ces sujets et qui donne envie de voir les autres productions interprétées, écrites et/ou réalisées par Paul Naschy (Artus Films nous avait jusqu’à présent gratifié des Vampires du Dr Dracula et du Bossu de la morgue, dont nous avons déjà parlé. Il doit bien traîner ici ou là, dans des collections oubliées, quelque autre titre de l’acteur, comme L’Empreinte de Dracula ou La Furie des vampires chez Seven et Metropolitan Films). À moins que Le Chat qui fume, toujours à la pointe de la recherche cinéphilique, nous offre quelques raretés supplémentaires.

Jean-Charles Lemeunier

Le Grand Amour du comte Dracula de Javier Aguirre, sorti en Blu-ray par Le Chat qui fume le 31 mars 2024.

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