Voici un titre qui ne cache rien de son sujet, ce dont on pourra se rendre compte à la vision du Blu-ray sorti par Artus Films. Dans Los ritos sexuales del diablo (1982, Les Rites sexuels du Diable), le cinéaste espagnol José Ramon Larraz parle de sexe et de sorcellerie. On ne peut pas être moins cachottier !

Le film met en scène une jeune femme, Carol (Vanessa Hidalgo), qui, suite à la mort de son frère, débarque à Londres avec son mari (Jeffrey Healey). Ils partent à la campagne rejoindre Fiona (Helga Liné), la belle-sœur veuve. Plusieurs éléments vont intriguer Carol, telles ces bougies noires utilisées par Fiona — le titre anglais est d’ailleurs Black Candles.

Le film est prétexte à de nombreuses séquences déshabillées, les rites sataniques s’accompagnant facilement d’orgies ou de frénésie sexuelle. Il ne faut pas oublier que le cinéma bis espagnol, qui connut son heure de gloire dans les années soixante-dix et quatre-vingt, juste avant et après la mort du général Franco en 1975, a secoué très fort le joug de la censure dictatoriale. Certains des cinéastes concernés n’hésitèrent pas, même, à pousser le bouchon très loin. Nous avons déjà parlé ici de Escalofrio (1977, Poupée de sang) de Carlos Puero, qui osait filmer une orgie.
José Ramon Larraz va beaucoup plus loin. Non seulement il montre lui aussi pas mal de scènes dénudées entre un homme et une femme — jusqu’à l’inceste — ou deux femmes entre elles mais il se risque au superlatif. Une fermière va exciter un bouc pour lui faire commettre l’irréparable avec une des femmes de la secte diabolique, qui ne s’en plaint d’ailleurs pas. Larraz brave les interdits, illustrant ainsi parfaitement ce que l’on nomme le cinéma d’exploitation (ou bis). Qui, d’après la définition qu’en donne wikipedia, repose sur « les tabous de la société, notamment le sexe, la violence, la drogue, la nudité, les monstres, le gore, les instincts de destruction et de rébellion et les mutilations ».
Larraz joue également sur les contrastes : entre la contemporanéité (l’avion, l’aéroport de Londres) et la secte sataniste qui semble sortir du Moyen-Âge, entre l’aspect policé des rapports entre le couple et la belle-sœur et la sauvagerie démoniaque, entre la ville moderne et la campagne superstitieuse.

Le sexe entre frère et sœur ou avec un prêtre, la zoophilie, le saphisme, l’orgie… Ces termes devaient faire frissonner, rien qu’en les entendant, les censeurs et l’on sent que Larraz se fait un malin plaisir à les aligner les uns derrière les autres. D’autant plus qu’il multiplie également les symboles anti-religieux, allant même jusqu’à montrer l’envoutement par une femme démoniaque d’un homme portant une croix. Avec ce plan rapproché de cette croix qui, se confondant avec la cheminée à l’arrière, semble devoir fondre dans les flammes.
C’est curieux car, dans le supplément du combo, les érudits Sébastien Gayraud et Emmanuel Le Gagne affirment que Larraz n’aimait pas particulièrement filmer les scènes érotiques. Qui, malgré tout, habitent la plupart des films qu’il a réalisés, de Whirlpool, son premier opus en 1970, baptisé en français L’Enfer de l’érotisme, à Vampyres (1974), El fin de la inocencia (1977), El mirón (1977, Le Voyeur), La visita del vicio (1978, La P… et l’étalon), El periscopio (1979, L’Infirmière a le feu aux fesses), Las alumnas de Madame Olga (1981, Les Élèves de Madame Olga), etc.

Pour qui s’intéresse à l’histoire du cinéma espagnol, les transgressions ont toujours été de règle. Dans les années cinquante et soixante, aux côtés des films calibrés du franquisme, des cinéastes tels que Luis Garcia Berlanga, Juan Antonio Bardem, Luis Buñuel — qui revenait au pays après un passage par le Mexique — et Carlos Saura ont commencé à bousculer le classicisme et à faire bouger les lignes. Dans le milieu des années soixante-dix, alors que le régime vacille et que le Caudillo est en train de finir ses jours, le genre fantastique s’empare de cette brèche et s’y enfonce, copiant les films horrifiques de la Hammer anglaise ou les gialli italiens, dans lesquels l’érotisme a la part belle. Apparaissent alors des cinéastes tels que Jesus Franco, Carlos Aured, Paul Naschy, l’Argentin León Klimovsky, Amando de Ossorio et, bien sûr, José Ramon Larraz qui vont s’attaquer aux mythes de Dracula et de Frankenstein, du loup-garou et des templiers aveugles, des sectes sataniques et des juges sanglants de l’Inquisition pour inventer un cinéma qui, bien que faisant de nombreux emprunts, reste foncièrement ancré en Espagne, même lorsque l’action se déroule dans d’autres pays.
Jean-Charles Lemeunier
Les Rites sexuels du Diable
Année : 1982
Titre original : Los ritos sexuales del diablo
Origine : Espagne
Réal. : José Ramon Larraz
Scén. : José Ramon Larraz
Photo : Juan Mariné
Musique : Marcello Giombini
Montage : Harold Wallman
Durée : 84 minutes
Avec Helga Liné, Vanessa Hidalgo, Jeffrey Healey, Alfred Lucchetti…
Sortie par Artus Films en combo DVD/Blu-ray le 2 septembre 2025.
