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En 1964, alors que sort sur les écrans Woman of Straw (La Femme de paille), un film de Basil Dearden que l’on peut découvrir en DVD et Blu-ray grâce à BQHL — titre jusqu’alors inédit —, Sean Connery vient d’enchaîner deux James Bond, Dr. No et Bons Baisers de Russie. L’agent secret britannique a propulsé l’acteur écossais au sommet du box-office mais, intelligent, Sean Connery désire se diversifier. Ses deux films suivants, avant de retrouver le flegme de 007 dans Goldfinger, seront cette Femme de paille et un thriller d’Alfred Hitchcock, Marnie.

Sean Connery

Dans La Femme de paille, l’acteur est certes aussi séduisant que dans James Bond mais il affiche un côté beaucoup plus sombre et calculateur. Il incarne en effet le neveu d’un richissime et odieux vieillard (Ralph Richardson) dont il aimerait capter l’héritage — il n’a pour l’instant l’assurance de toucher, à la mort de l’oncle, qu’un infime pactole alors qu’il aimerait mettre la main sur l’ensemble. Survient alors une adorable infirmière (Gina Lollobrigida), dont s’entichent à la fois le tonton et son potentiel hoir.

Ralph Richardson

Le vieux a beau être cloué dans son fauteuil roulant, il impose à son entourage toutes ses fantaisies : faire une croisière, pratiquer la pêche au gros voire épouser la belle Gina. La séquence où, amarré sur son siège dans un bateau, Richardson s’épuise à sortir un espadon de l’eau, devient très symbolique. Comme son oncle, Sean Connery tente lui aussi de pêcher de gros poissons, que ce soit l’oncle ou son infirmière. Qui de ce trio aura le dernier mot ? Basil Dearden mène lui aussi suffisamment bien sa barque pour que le spectateur s’attache à cette histoire de manipulation et se questionne.

Gina Lollobrigida, Sean Connery, Johnny Sekka et Ralph Richardson

Un mot sur ce cinéaste anglais qui, après quelques films dans les années quarante, participa à Au cœur de la nuit (1946), film à sketches piloté par le Brésilien Alberto Cavalcanti et qui marque le renouveau du cinéma britannique au sortir de la guerre. Dans ce film horrifique et très bien mené, Dearden travaille aux côtés de ceux qui vont devenir importants dans les années cinquante : Robert Hamer (qui signera Noblesse oblige et les populaires aventures du détective-curé Father Brown) et Charles Crichton. Ce futur auteur de grandes comédies telles que De l’or en barres et Tortillard pour Titfield  achèvera sa carrière en 1988 avec le célébrissime Un poisson nommé Wanda. Dans les années cinquante et soixante, Basil Dearden tourne plusieurs films aux sujets forts : l’homosexualité (La Victime, 1961), les convictions religieuses interdisant la transfusion sanguine et causant la mort d’une enfant (Accusé, levez-vous, 1962) ou le lavage de cerveaux dans le contexte de la guerre froide (Au bord du gouffre, 1963). C’est également à Dearden que l’on doit l’épopée coloniale de Khartoum (1966), dans laquelle Charlton Heston incarne le général Gordon Pacha, en lutte contre le chef musulman surnommé le Mahdi.

Dans plusieurs de ses réalisations, il est indéniable que Basil Dearden s’oppose au racisme. C’est carrément le sujet d’Opération Scotland Yard (1959) et c’est aussi flagrant dans La Femme de paille. Ralph Richardson a à son service deux Africains (Johnny Sekka, que l’on retrouve au générique de Khartoum, et Danny Daniels) qu’il ne cesse d’humilier. Ce que souligne Dearden par des séquences à la limite du supportable, dans lesquelles Richardson s’amuse à faire sauter ses deux serviteurs comme des petits chiens. Cet anti-racisme a de quoi rendre Basil Dearden encore plus fréquentable !

Gina Lollobrigida

Le cinéaste sait également mettre en scène l’arrivée d’un nouveau personnage. Ainsi, lorsque l’infirmière jouée par Gina Lollobrigida sonne à la porte du manoir où vit Ralph Richardson, son visage, filmé à contre-jour, reste dans l’obscurité, jusqu’à ce qu’elle s’avance en pleine lumière. Ce qui en rajoute à sa beauté.

Le luxueux manoir

Se jouant d’un rythme assez lent, La Femme de paille s’emballe soudain et prend les allures, justement, d’un film de Hitchcock, style Le Crime était presque parfait. Une curiosité à redécouvrir ! 

Jean-Charles Lemeunier

La Femme de paille
Année : 1964
Origine : Grande-Bretagne
Titre original : The Woman in Straw
Réal. : Basil Dearden
Scén. : Michael Relph, Stanley Mann, Robert Müller d’après Catherine Arley
Photo : Otto Heller
Musique : Beethoven, Berlioz, Mozart, Rimsky-Korsakov
Montage : John D. Guthridge
Durée : 122 min
Avec Sean Connery, Gina Lollobrigida, Ralph Richardson, Alexander Knox, Johnny Sekka, Danny Daniels…

Sortie en DVD et Blu-ray par BQHL le 29 juillet 2025.

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