Le Vampire et le sang des vierges, film de 1967 sorti en Blu-ray par Artus Films, est la réponse allemande (de l’ouest) à la série gothique initiée par la Hammer anglaise dès le milieu des années cinquante, poursuivie par les Italiens (avec entre autres Riccardo Freda et Mario Bava, qui cosignent Les Vampires en 1957) et les Américains (le cycle Poe de Roger Corman, avec huit films tournés entre 1960 et 1963).
Autant dire qu’en 1967, le genre s’essouffle. Reconnaissons toutefois à ce Die Schlangengrube und das Pendel — traduit en français Le Vampire et le sang des vierges alors que le titre original fait référence à Edgar Allan Poe et son Puits et le pendule — un certain style qui le distingue du tout venant.

Son auteur, Harald Reinl, s’est fait la main sur ce que l’on appelle les krimi, les films criminels allemands inspirés la plupart du temps de l’auteur anglais Edgar Wallace — qui participa à l’écriture du King Kong de 1933. Un genre qui n’est malheureusement pas représenté en DVD/Blu-ray et dont on aimerait bien qu’un éditeur s’y intéresse. Peut-être Artus qui, outre ce Vampire, a sorti l’adaptation de Reinl des Nibelungen (La Vengeance de Siegfried, 1966).

Les titres des krimi réalisés par Reinl font rêver — et ceux tournés par Alfred Vohrer, Jurgen Roland ou Franz Josef Gottlieb également — : La Grenouille attaque Scotland Yard (1959), Scotland Yard contre le Masque (1960), Le Faussaire de Londres (1961), L’Attaque du fourgon postal (1964), Le Moine inquiétant (1965)…
Après ces krimi, des adaptations des westerns de Karl May (la série des Winnetou) et des reprises des grands thèmes de Fritz Lang (Dr Mabuse et les Nibelungen), Harald Reinl va faire une incursion dans le cinéma gothique avec Le Vampire et le sang des vierges qui reste, selon les spécialistes, le seul tourné en Allemagne.

Ce n’est ni vraiment le scénario ni même l’acteur principal (Lex Barker, interprète de Tarzan, de Fellini et du personnage d’Old Shatterhand dans les Winnetou) qui retiennent l’attention mais la mise en scène de Reinl. Celui-ci ouvre son film dans les très beaux décors médiévaux de la ville bavaroise de Rothenburg ob der Tauber, fort bien utilisés. Une première exécution (l’écartèlement du personnage joué par Christopher Lee) est suivie par la mise en place des différents protagonistes : Lex Barker, Karin Dor et un curé interprété par Vladimir Medar. Lequel ressemble beaucoup à Andrew Keir, l’acteur britannique qui jouait le même genre de rôles dans les films de la Hammer.

Puis commence le voyage en diligence pour se rendre dans le château du comte Regula (Christopher Lee), occasion pour Reinl d’offrir plusieurs séquences étranges, poétiques et parfaitement maîtrisées. Pensons à ces chevaux noirs emballés qui croisent le chemin des voyageurs et à cette forêt magique dont des mains sortent des troncs, à la manière des fantasmagories de Jean Cocteau, et dont les arbres portent des pendus.

Une fois dans le château, le film hésite entre l’horreur classique, surtout incarnée par un inquiétant serviteur, des passages de comédie (avec Vladimir Medar), une pointe d’érotisme avec la beauté de Karin Dor et des moments qui, grâce aux couleurs utilisées — pensons à ces corridors verdâtres ou ce coucher de soleil quand passe la diligence — semblent sortir d’un film de Mario Bava. De la même façon, le masque garni de pointes que l’on force Christopher Lee à poser sur son visage, au début du film, ressemble fortement à celui du Masque du démon de Bava. Reinl utilise également beaucoup le dégoût que peut ressentir le spectateur à la vision d’insectes ou de serpents, voire de vautours, pour construire, à l’intérieur du château, une atmosphère angoissante. Donnée encore par les peintures de Jérôme Bosch qui ornent les intérieurs.

Malgré tout, et malgré le pendule oscillant sur le corps enchaîné de Barker, Le Vampire et le sang des vierges se situe en-deçà de la version de Roger Corman. Reste un petit film sympathique, une curiosité qui emprunte beaucoup à ses illustres prédécesseurs mais qui montre toutefois le savoir-faire de son auteur, ce Harald Reinl qui mériterait un peu plus d’attention que l’oubli dans lequel il est tombé.
Jean-Charles Lemeunier
Le Vampire et le sang des vierges
Année : 1967
Origine : Allemagne de l’ouest
Titre original : Die Schlangengrube und das Pendel
Réal. : Harald Reinl
Scén. : Manfred R. Köhler d’après Edgar Allan Poe
Photo : Ernst W. Kalinke
Musique : Peter Thomas
Montage : Hermann Haller
Durée : 84 min
Avec Lex Barker, Karin Dor, Christopher Lee, Vladimir Medar, Carl Lange, Christiane Rücker…
Sortie par Artus Films en Blu-ray le 6 mai 2025.