Dans le documentaire que Fabrice Du Welz lui a consacré et que Carlotta a édité pour la première fois en Blu-ray ce 6 mai, Béatrice Dalle l’avoue : elle est amoureuse de Pier Paolo Pasolini. Au cours de cette attachante balade sur les traces du cinéaste italien, on découvre une actrice constamment émue par la beauté, qu’elle soit d’un paysage, d’un tableau, d’une musique — elle adore Vivaldi et le concerto pour piano n°21 de Mozart — ou d’un film.

C’est ainsi qu’à la cinémathèque de Bologne, elle visionne en pleurs L’Évangile selon saint Matthieu de Pasolini, film qui sert de fil conducteur au documentaire et dont Béatrice Dalle va admirer les décors à Castel del Monte, Ginosa et Matera. L’actrice avoue avoir découvert Pasolini avec « la sauvagerie » de Salo. Depuis, elle déclare que « tout est beau chez ce gars-là ».

Depuis la tombe de Pasolini à Casarsa jusqu’à la plage d’Ostie où il a été assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, Béatrice Dalle remonte dans la vie du poète-cinéaste jusqu’à la merveilleuse rencontre à Matera avec l’actrice qui joue le rôle de l’ange dans L’Évangile, Rossana Di Rocco. Accompagnée par l’acteur et auteur Clément Roussier, elle nous offre ainsi de nombreux moments magiques et poétiques, l’émotion à fleur de peau. Ce qui la fait même rigoler, tant, dit-elle, elle possède un grand stock de larmes.

Parmi les passages incontournables de La Passion selon Béatrice, citons encore la rencontre avec le cinéaste américain Abel Ferrara, auteur d’un film sur Pasolini en 2014, dans lequel Willem Dafoe tenait le rôle de PPP. Rappelons que Béatrice Dalle a été son interprète dans The Blackout en 1997. Pour Ferrara, seuls deux cinéastes comptent : Godard et Pasolini. Selon lui, tout le monde décrivait Pasolini comme « quelqu’un de profondément bon ». Mais, ajoute-t-il, « il cherchait constamment son côté sombre ». Il cite la dernière interview de Pasolini, dans laquelle ce dernier prévient que le monde est en danger. « Il pouvait se battre contre le fascisme, conclut Ferrara, mais pas contre le consumérisme ! »

Rythmé par de la musique classique mais aussi par des spirituals (Sometimes I Feel Like a Motherless Child) ou des morceaux plus rock, tel le Jean Genie de Bowie, La Passion selon Béatrice reste passionnant de bout en bout. Au fur et à mesure, si le personnage de Pasolini se dessine de mieux en mieux, grâce encore au témoignage de son amie l’écrivaine Dacia Maraini — qui déclare qu’il aimait et respectait les femmes fortes, comme Maria Callas avec qui il a tourné Médée en 1969 —, c’est surtout Béatrice Dalle que l’on apprend à mieux connaître et à qui on s’attache de plus en plus. « Plus je vieillis, avoue-t-elle, et plus j’ai faim comme un ogre. Je veux tout dévorer car cette planète est tellement extraordinaire ! »

Ajoutons, pour finir, que cette Passion est filmée dans un très beau noir et blanc, qui est un « hommage au cinéma italien qu’on aime » ainsi que l’explique Fabrice Du Welz dans le supplément.
Jean-Charles Lemeunier
La Passion selon Béatrice
Année : 2024
Origine : France, Belgique
Réal. : Fabrice Du Welz
Scén. : Fabrice Du Welz, Clément Roussier
Photo : Marco Graziaplena
Musique : Bach, Vivaldi, Mozart, David Bowie…
Montage : Géraud Vandendriessche
Durée : 80 min
Avec Béatrice Dalle, Clément Roussier, Abel Ferrara, Dacia Maraini, Rossana Di Rocco, Roberto Chiesi…
Sortie pour la première fois en Blu-ray par Carlotta Films le 6 mai 2025.