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Donald Sutherland et Didider Allouch au festival Lumière (Photo JCL)

C’était en 2019 : Donald Sutherland, qui vient de disparaître à l’âge de 88 ans, était l’un des invités du festival Lumière, à Lyon. Où il avait fait, c’est normal, une très grande impression.

Donald Sutherland était l’un des invités d’honneur de l’édition 2019 du festival Lumière, à Lyon. Au cours d’une master class menée par le journaliste Didier Allouch, il a livré pas mal d’anecdotes sur sa carrière, telle sa rencontre avec Federico Fellini. En français mâtiné de quelques mots d’anglais et se plaignant auprès de sa femme, l’actrice québécoise Francine Racette, au premier rang : « Tu vas encore dire que je pourrai faire des efforts avec mon français. »

« Je jouais un metteur en scène dans Alex in Wonderland de Paul Mazursky et j’ai parlé avec Fellini, qui faisait une apparition dans le film. Puis, quelques années plus tard, à Parme où je tournais Novecento de Bertolucci, il est venu me parler du rôle de Casanova. J’ai acheté et lu les mémoires de Casanova, je ne sais plus s’il y avait 12 ou 15 livres. Fellini m’a demandé de le conduire à Milan. Il a vu ces livres dans la voiture et a commencé à les jeter. Je me suis dit : Bon, OK, ça commence comme ça. Le week-end à Milan fut fabuleux. J’étais comme son boy friend. On est allé voir The Exorcist mais il m’a dit que non, ce n’était pas possible, et nous sommes partis à la moitié du film. »

(Photo JCL)

Donald Sutherland continue en anglais et Didier Allouch l’interrompt pour traduire. L’acteur s’arrête et regarde son traducteur d’un air mauvais, suscitant des rires dans la salle. Tout au long de la conversation, il ne cessera de jouer au bougon, puis de sourire, déclarant à un moment au public : « Il fait trop chaud dans cette salle. Vous devriez enlever tous vos vêtements. »

Didier Allouch aborde 1900 (Novecento) et, immédiatement, Sutherland interroge : « Vous voulez savoir si j’ai fait mal au chat ? Il était en caoutchouc avec du sang dedans. » Il parle encore de Claude Chabrol, avec qui il a tourné Les liens de sang. Ce qui lui rappelle une blague que lui a racontée Jacques Tati mais qu’il ne peut dire, à cause de Me Too. Il passe à autre chose, malgré les protestations de l’audience qui veut entendre la blague, continue une anecdote sur Chabrol puis ne peut résister et raconte la blague, salace, en s’excusant qu’elle est de Tati.

(Photo JCL)

La conversation arrive sur le cinéma politique, en particulier avec FTA, brûlot anti-guerre du Vietnam, fait avec Jane Fonda. « Elle a été arrêtée hier, déplore l’acteur. On ne peut habiter dans le monde avec Donald Trump ! » Allouch insiste sur FTA, lui demandant son avis, précisant que lui-même a beaucoup aimé ce film. Sutherland le stoppe d’un regard. « Ah oui ? Vous l’avez aimé ? Et vous avez fait quoi ? » Sous-entendu que ce n’est pas le cinéma qui peut changer les choses et encore moins la politique.

« Quand j’ai lu le script de Hunger Games, reprend Donald Sutherland, j’ai pensé que, peut-être, cela peut faire bouger les gens, leur faire oublier un moment la télé. Ça n’a pas marché vraiment. Je suis pessimiste parce que j’ai peur. » Puis il parle de son enfance au Canada. « J’habitais dans une petite ville de 5000 personnes. Je n’ai jamais été au théâtre ni au cinéma le samedi soir. Je n’ai aucune idée du pourquoi j’ai pensé devenir acteur. Ça a commencé quand, petit, j’ai eu de la fièvre et la polyo. À 16 ans, c’est courant chez nous, j’ai fait un petit voyage de 20 miles, en voiture avec mon père. Qu’est-ce que tu veux faire de ta vie, m’a-t-il demandé. Acteur, je crois. OK. Bon, il a quand même voulu que j’assure et que j’aie un diplôme d’ingénieur. Je suis donc allé à l’université de Toronto où j’ai passé mon engineering en 3 ans et, en même temps, j’ai fait du théâtre. »

(Photo JCL)

Il raconte que son premier rôle, il ne pensait pas l’avoir. Un ami lui avait parié un dollar qu’il le jouerait et lui avait parié un dollar qu’il ne le ferait pas. « J’ai perdu. Vous pensez que je n’avais jamais été là (il désigne la salle) avant d’être ici (il désigne la scène). C’est exceptionnel. C’était il y a 65 ans. »

Jean-Charles Lemeunier

Initié par l’Institut Lumière, le festival Lumière se poursuit à Lyon jusqu’au 20 octobre. Le prix Lumière sera remis à Francis Ford Coppola le 18 octobre.

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