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À la vision du générique de Section de choc, que Le Chat qui fume a sorti en Blu-ray, on pourrait penser qu’il s’agit d’un de ces poliziotteschi typiques des années soixante-dix, comme les Italiens en produisaient à la pelle. Sauf que Quelli della calibro 38 — titre nettement plus original et intéressant que celui que lui ont octroyé les distributeurs français de l’époque — est réalisé par Massimo Dallamano et que celui-ci est loin d’être un cinéaste passe-partout. D’abord cadreur puis chef opérateur, il a fourbi ses armes pendant une vingtaine d’années, ses titres de gloire restant les deux westerns qu’il a photographiés pour Sergio Leone : Pour une poignée de dollars (1964) et Et pour quelques dollars de plus (1965). Dans un supplément, Antonio Siciliano, le monteur de Section de choc, raconte que Dallamano avait le don de cadrer caméra à l’épaule des séquences qui n’étaient pas tremblées. D’où le soin apporté par la suite à ses images quand il est devenu réalisateur.

Après un documentaire tourné en 1959, Dallamano passe donc la mise en scène en 1967, se spécialisant dans le giallo (Mais… qu’avez-vous fait à Solange, également disponible dans le garde-manger du Chat). Section de choc sera son dernier film, Dallamano étant victime d’un accident de la route en novembre 1976, moins de quatre mois après la sortie italienne du film.

Pas passe-partout, Dallamano ? Certainement pas ! D’abord, parce qu’il place au cœur d’un sujet policier classique (des flics courent après des gangsters) l’angoisse principale des années de plomb : la peur des bombes posées dans des lieux publics. Au cours de cette dramatique décennie, des attentats ont lieu en Italie à la foire de Milan, à bord de trains, dans des gares, sur des places, dans une banque, devant une préfecture, etc.

Dans le film, les hommes du méchant Marseillais (Ivan Rassimov) n’hésitent pas à provoquer les flics du commissaire Vanni (Marcel Bozzuffi) en faisant péter leurs bombes — en fait, de la dynamite — un peu partout dans Turin, là où se situe l’action. Tout Italien qui voit le film en 1976 a gardé en mémoire la mise en garde d’un groupuscule néo-fasciste auteur d’un attentat en 1974 : « Nous avons voulu démontrer à la nation que nous sommes capables de poser une bombe où nous le voulons, à n’importe quelle heure, dans n’importe quel lieu, comme bon nous semble. » Les gangsters du Marseillais semblent tout à fait être les disciples d’Ordine nero, sauf qu’ils font cela non pas pour des raisons idéologiques mais pour de l’argent.

Il faut aussi parler de la manière de filmer de Dallamano. À la manière d’un bon film d’action à l’américaine, le film démarre sur des coups de feu et l’assaut par la police d’une ferme où se cache la bande du Marseillais. Et cela ne va plus cesser jusqu’aux dernières images. N’oubliant pas son précédent métier de directeur de la photo, le cinéaste nous offre quelques très beaux plans, comme celui où Bozzuffi grimpe quatre à quatre les marches d’un escalier circulaire filmé d’en bas. Cette séquence-là en suivant une autre tout autant réussie tant elle choque et surprend.

Et que dire de celle, tout aussi rythmée, au cours de laquelle une voiture saute sur un train de marchandises et le remonte à toute vitesse. On mentionne aujourd’hui les cascades insensées du dernier Mission impossible mais, il y a de cela près de cinquante ans, elles valaient déjà leur taux de testostérone.

Section de choc s’accroche à la réalité. Les méchants sont cyniques, les meurtres horribles et les attentats terrifiants, surtout quand la caméra ne nous épargne aucun cadavre, pas même ceux d’enfants. Autre originalité du film : malgré sa rage, Vanni n’appartient pas du tout au genre de flic auquel nous a habitués le cinéma américain. C’est-à-dire qu’il ne déglingue pas froidement ses ennemis, à la façon d’un inspecteur Harry, mais exige surtout de ses hommes qu’ils visent les jambes. Avec l’accord du préfet, il monte une section de choc — d’où le titre français —, dotée de motos et de calibres 38 — d’où le titre italien. Ce qui nous vaut en outre quelques belles poursuites.

Dernière curiosité à signaler : un des personnages, joué par Carole André, possède un club où se produit une chanteuse. Laquelle n’est autre que Grace Jones.

Jean-Charles Lemeunier

Section de choc
Année : 1976
Origine : Italie
Titre original : Quelli della calibro 38
Réal. : Massimo Dallamano
Scén. : Massimo Dallamano, Franco Bottari, Ettore Sanzò, Marco Guglielmi
Photo : Gábor Pogány
Musique : Stelvio Cipriani
Chanson : Grace Jones
Montage : Antonio Siciliano
Durée : 103 min
Avec Marcel Bozzuffi, Riccardo Salvino, Carole André, Ivan Rassimov, Grace Jones…

Sortie en Blu-ray par Le Chat qui fume le 31 mars 2023.

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